Décryptage

L’impression 3D est-elle écologique ?

Posté le 28 mars 2018
par Matthieu Combe
dans Environnement

L'impression 3D est souvent présentée comme un moyen écologique permettant de mettre fin à la production de masse. La baisse de la production de déchets, la diminution de la consommation d'énergie et la fin de l'obsolescence programmée seraient ses principaux atouts écologiques. Qu'en est-il réellement ?

L’impression 3D permet de fabriquer un tas d’objets personnalisés, en accord avec les besoins réels des consommateurs. En fabriquant les objets sur-mesure et au plus près des consommateurs, l’impression 3D pourrait révolutionner l’industrie et la logistique.

Vers la fin des transports et des entrepôts ?

Pour imprimer un objet en 3D, il faut une imprimante, des filaments, un logiciel et un fichier numérique. C’est donc l’ensemble du cycle de production qui doit être réinventé. Plutôt que d’acheter un objet fabriqué dans une usine, il convient dans ce cas de se procurer un fichier numérique, de le télécharger et de l’imprimer. Si tout était imprimé en 3D, cela signifierait la fin des usines manufacturières, la fin des entrepôts et des transports de marchandises. À la place, il faudrait simplement plus d’infrastructures numériques, en plus des usines de fabrication d’imprimantes et de filaments. Par ailleurs, développer l’impression 3D est la promesse d’apporter des objets directement chez les utilisateurs, en particulier dans les zones dépourvues d’industries.

Moins de déchets en perspective ?

L’impression 3D repose sur le principe de la fabrication additive, en superposant couche par couche un matériau (plastique, métal, béton alvéolaire, etc.), pour fabriquer un objet. Elle s’oppose aux méthodes traditionnelles de fabrication soustractive par ponçage, découpage ou fraisage. Résultat : il n’y a pas de chutes ou de déchets de production, car le poids de l’objet est équivalent à la quantité de matière utilisée pour sa fabrication. En soi, l’impression 3D présente un doux rêve : mettre fin à l’obsolescence programmée. En effet, elle permet de réparer soi-même ses objets en imprimant les pièces détachées nécessaires.

Attention toutefois aux émissions. Pour être mis en forme, les filaments en plastique sont fondus. Certains d’entre eux émettent des composés organiques volatils (COV) toxiques. C’est notamment le cas de l’ABS pour lequel il est recommandé d’utiliser une imprimante 3D à enceinte fermée.

L’impression 3D se met aux déchets

Mis à part le PLA qui est biosourcé, la plupart des plastiques utilisés dans les filaments sont issus d’énergies fossiles. Pour plus d’éco-conception, des start-up se lancent sur le segment des filaments à base de plastiques recyclés. C’est le cas d’Armor 3D qui recycle des pots de yaourts et des toners d’imprimante. Les start-up américaines 3dbrooklyn et Refil se sont également spécialisées sur ce créneau de filaments recyclés, en différentes couleurs. Ils recyclent la matière des emballages alimentaires, des bouteilles d’eau, de la vaisselle en plastique et du plastique automobile.

Plusieurs start-up se sont également spécialisées dans le développement d’extrudeuses. Elles permettent de broyer les déchets avant de les fondre pour obtenir son propre filament d’impression 3D. Ces solutions simplifient là encore la gestion des déchets et permettent de développer une économie circulaire locale. Citons par exemple la start-up française Plast’if. Elle développe un broyeur de déchets plastique en PET, PP, et PS relié à une imprimante 3D qui les transforme  en nouveaux objets imprimés en 3D. C’est aussi le cas par exemple de ProtoCycler, FilaMaker et 3DEvo. Le développement de ces extrudeuses permettrait même de s’affranchir des usines de production de filaments.

Avis de Pierre-Antoine Pluvinage, directeur du développement d’Armor 3D : Quel est l’intérêt de l’impression 3D du point de vue écologique ?

« Le principe de l’impression 3D est de n’utiliser que la matière nécessaire à la fabrication d’un produit. Dans cette logique, on utilise moins de matières et on produit moins de déchets. En même temps, l’impression 3D est aujourd’hui surtout utilisée pour du prototypage, et le prototype est un déchet qu’il faut recycler. La technologie permet d’internaliser le prototypage plutôt que de le sous-traiter loin de son lieu de production. C’est un avantage, mais il faut faire attention à l’effet pervers d’avoir des imprimantes 3D un peu partout. Elles génèreront des déchets diffus plus difficilement récupérables. Une usine produit peut-être plus de déchets, mais ces derniers sont générés en un point. Au niveau de la consommation énergétique, il est cependant difficile de calculer les économies.

L’impression 3D ne remplacera pas tout de suite les usines traditionnelles pour faire de la production de masse. Elle n’est pas utilisée à cette fin, mais plutôt pour faire de la petite série, du sur-mesure, de l’outillage et des prototypes. Je pense que le prototypage va rester important dans les prochaines années. Toutefois, dans les dix à quinze ans à venir, la tendance va sûrement s’inverser pour aller de plus en plus vers la production de produits finis. »

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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