Décryptage

Le Metal Binder Jetting, une technologie qui monte

Posté le 24 octobre 2019
par Sophie Hoguin
dans Innovations sectorielles

Depuis plusieurs années, la technologie du Metal binder jetting, ou injection de liant sur lit de poudre, connaît un développement important. Le procédé est aujourd’hui utilisé par les plus gros acteurs de la fabrication additive métallique.

Si le parc machine et les pièces métalliques de qualité utilisent aujourd’hui principalement des technologies de fusion laser sur lit de poudre ou de la fusion par faisceau d’électrons, de nombreuses autres technologies sont en train d’émerger. Difficile de prévoir lesquelles finiront par avoir le dessus pour le moment. Parmi ces différents procédés, l’injection de liant sur lit de poudre métallique, Metal binder jetting en anglais (MBJ) est cependant celui qui connaît l’essor le plus important.

Comment ça marche ?

Le metal binder jetting (MBJ) se déroule en deux grandes étapes : tout d’abord, la fabrication de la pièce verte et ensuite la consolidation par déliantage-frittage. Il s’agit en premier lieu de déposer des couches de poudres métalliques sur lesquelles est projetée de l’encre (en l’occurrence un liant organique). Le liant n’est déposé que sur la forme et la section correspondant à la pièce désirée. On obtient alors une pièce verte qui va être consolidée et prendre ses dimensions finales après déliantage (élimination du liant par évaporation-décomposition) puis frittage (on porte la pièce à une température proche de son point de fusion pour induire une coalescence des grains et un comblement des espaces laissés par le liant). La pièce finale est donc plus petite que la pièce verte et ce retrait dimensionnel est la principale difficulté de ce procédé. Le procédé global de fabrication présente une forte analogie avec celui du Metal Injection Molding (MIM) où la pièce verte est obtenue par injection dans un outillage avant un processus de consolidation (déliantage-frittage) très similaire au MBJ.¹

Le Cetim, un précurseur français

Rapidement le Cetim (centre technique des industries mécaniques) voit dans cette technologie une pertinence économique pour la production de petites pièces complexes en petite et moyenne série. Il investit alors dans des machines pour faire des études de faisabilité, de répétabilité et de qualité. Les tests sont concluants et le centre technique décide de promouvoir activement cette solution auprès des PME françaises sur ses différents sites et plateformes technologiques via des actions de formation ou d’accompagnement à la fabrication additive métallique.

Le MBJ présente en effet de nombreux atouts pour devenir une technologie majeure dans les années à venir. Aujourd’hui, il propose une productivité significativement supérieure aux technologies par fusion (laser ou faisceaux d’électron). En outre, la qualité des pièces à l’issue du process nécessite moins de reprise que les technologies par fusion. Enfin, la productivité actuelle et potentielle à l’avenir est aussi bien meilleure grâce à la possibilité de couvrir l’ensemble du lit de poudre avec plusieurs têtes d’impression – sans pour autant augmenter excessivement le coût de l’équipement contrairement aux buses laser. Le procédé est aussi moins exigeant en matière de conditions de production : pas besoin d’atmosphère contrôlée, travail à température ambiante donc le volume de la chambre de fabrication n’a pas de limite théorique. Si aujourd’hui l’offre en matériau est faible, elle est en train de s’enrichir rapidement et à terme, la plupart des matériaux disponibles en MIM devraient être disponibles en MBJ, de même que des matériaux comme les carbures ou les céramiques.

La principale limite de ce procédé tient à l’étape de frittage qu’il faut d’une part apprendre à contrôler et d’autre part qui impose des pièces de taille relativement modeste. En effet, au-delà d’une certaine taille, on ne sait pas encore assurer un retrait dimensionnel au moment du frittage dans des tolérances acceptables pour des productions en série.

 Une technologie dont les grands s’emparent

Jusqu’à récemment, seuls deux fournisseurs commercialisaient des machines MBJ. Il s’agissait de la société suédoise Digital Metal (groupe Höganäs) et de l’américain ExOne. Mais de nombreux acteurs se dévoilent à présent. Desktop Metal a présenté ainsi en 2017 son système « Production SystemTM », suivi par d’autres comme HP avec sa HP Metal Jet, GE avec sa H1 ou encore Stratasys, un spécialiste de la 3D plastique qui s’ouvre aujourd’hui au métal. Cet engouement pour le marché de la fabrication additive métallique et pour cette technologie montre que les constructeurs ont désormais compris ses potentialités et sont prêts à s’en emparer. Dès lors, la productivité et le choix des matériaux devraient s’améliorer très rapidement.

Mais cet engouement ne doit pas faire oublier que la fabrication additive métallique est encore jeune. D’autres procédés apparaissent régulièrement et feront peut-être encore mieux ou trouveront une autre place. Par exemple, un procédé proche qui reprend le MIM classique (moulage par injection de métal) avec une injection d’un mélange métal/liant est développé notamment par le français Pollen AM sur sa Pam Serie M ou le frittage de poudre dans un moule plastique de la Metal X proposé par l’américain MarkForged.

¹ : Définition extraite de l’ouvrage « Fabrication additive métallique : les fondamentaux » en téléchargement gratuit, fruit du partenariat entre Techniques de l’Ingénieur et le Cetim.

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