Au cœur d’un contexte énergétique instable, la transition bas carbone constitue désormais un déterminant majeur de compétitivité pour l’industrie chimique. Le secteur est directement exposé aux variations de prix de l’énergie et aux coûts croissants du carbone. Dans le même temps, il est attendu qu’il contribue à l’objectif national de réduction de 81 % des émissions industrielles d’ici 2050. La nouvelle analyse publiée par GreenFlex s’inscrit dans cette dynamique. Elle consolide trois années d’enquêtes menées sur 315 sites industriels, contre 205 l’année précédente, et offre une photographie précise des trajectoires engagées, des leviers activés et des obstacles rencontrés.
Les motivations des entreprises apparaissent clairement dans les résultats. La maîtrise des coûts énergétiques constitue un moteur majeur pour près de la moitié d’entre elles, suivie par la volonté de s’inscrire dans une stratégie de long terme cohérente avec les politiques nationales et les attentes des investisseurs. À l’inverse, les freins les plus fréquemment identifiés relèvent du manque de ressources financières ou humaines ainsi que des difficultés techniques liées à la transformation d’équipements ou de procédés. L’étude souligne notamment que 36 % des entreprises évoquent un manque de moyens financiers comme principal obstacle à la mise en œuvre de projets bas carbone.
Face à ces contraintes, la méthodologie proposée par GreenFlex s’impose comme un cadre structurant. Sélectionnée par l’ADEME dans le cadre des feuilles de route financées pour les industriels, elle s’appuie sur une approche graduelle qui permet d’agir d’abord sur les consommations avant d’engager un verdissement plus profond du mix énergétique. Les premières étapes reposent sur la sobriété et l’efficacité énergétique. Elles sont essentielles pour sécuriser des gains rapides et réduire la dépendance aux énergies fossiles.
La sobriété énergétique regroupe des actions simples fondées sur l’ajustement des consignes ou sur le questionnement des besoins. Elles concernent principalement le traitement de l’air, l’air comprimé ou la vapeur. Selon l’analyse réalisée, 83 % de ces actions ne nécessitent aucun investissement, ce qui en fait un levier immédiat. Leur potentiel reste significatif avec une réduction globale estimée à 409 gigawattheures et une baisse des émissions de près de 79 kilotonnes de CO2.
L’efficacité énergétique permet ensuite de moderniser les équipements et d’améliorer les performances des installations. Elle représente le plus grand volume d’actions identifiées. Plus de 2 500 gigawattheures d’économies d’énergie sont envisageables, avec un temps de retour inférieur à quatre ans pour deux tiers des projets. Les gains portent sur l’isolation, la réduction des fuites, la modernisation des moteurs, du froid industriel ou de l’éclairage. L’étude met également en avant le caractère réplicable d’un grand nombre d’actions standardisées qui peuvent être industrialisées à grande échelle.
Au-delà de ces mesures classiques, le design alternatif ouvre la voie à des transformations plus profondes des procédés. Il s’agit de repenser les vecteurs ou technologies utilisées pour répondre à un même besoin. Dans ce domaine, près de la moitié des projets concernent l’électrification des équipements, citée comme un levier doté d’un fort potentiel de réduction des émissions. Les changements de vecteurs énergétiques permettent à eux seuls de réduire les émissions de 23 % en moyenne. Ces actions sont cependant plus complexes, car elles touchent au cœur du système productif.
La récupération de chaleur occupe également une place centrale. L’étude identifie près de 2 000 gigawattheures pouvant être valorisés par la capture de chaleur fatale issue des utilités ou des procédés. Les solutions combinant récupération et rehaussement de température grâce à des pompes à chaleur affichent des bénéfices significatifs avec une réduction moyenne de 24 % des consommations et de 38 % des émissions. Ce levier devient d’autant plus stratégique qu’il peut être mutualisé avec d’autres acteurs industriels ou territoriaux.
Enfin, les énergies renouvelables et la valorisation des déchets complètent la trajectoire bas carbone. Elles représentent le levier le plus structurant pour réduire les émissions. L’étude recense plus de 7 000 gigawattheures potentiels via des projets de biomasse, solaire, biogaz, géothermie ou réseaux de chaleur. 64 % des scénarios analysés intègrent au moins un projet de ce type, confirmant leur rôle incontournable dans les stratégies industrielles à long terme. Ces solutions exigent toutefois un investissement conséquent et un approvisionnement durable et sécurisé, en particulier pour les filières biomasse et biogaz.
L’ensemble de ces leviers illustre la diversité des solutions disponibles pour accélérer la décarbonation du secteur de la chimie. La trajectoire repose sur un équilibre entre actions immédiates à faible investissement et transformations structurelles exigeant des moyens plus importants. Les données collectées montrent qu’un potentiel global de plus de 5 000 gigawattheures peut être activé au sein des sites analysés, pour un volume d’émissions évitées estimé à près de deux millions et demi de tonnes de CO2 sur vingt ans.
À l’heure où le secteur doit concilier impératifs économiques et contraintes environnementales, l’étude GreenFlex confirme la montée en puissance des démarches bas carbone et l’importance d’un accompagnement technique et financier pour transformer en profondeur les modes de production. Elle offre surtout un cap clair pour dépasser les freins identifiés et engager des trajectoires compatibles avec les objectifs nationaux.
Téléchargez l’étude complète menée par GreenFlex sur les trajectoires bas carbone des 315 sites industriels .
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