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La désynchronisation et séparation du réseau électrique du 8 janvier expliquée

Posté le 9 février 2021
par Joël Spaes
dans Énergie

Alors que la France était sous tension, avec une vague de froid, le réseau électrique européen a enregistré le 8 janvier 2021 un incident dit « de fréquence », conduisant à séparer en deux le réseau électrique synchronisé européen. L’association européenne des gestionnaires de réseau électrique vient d’expliquer l’origine de cette désynchronisation ressentie sur toute la plaque de cuivre européenne.

Les réseaux électriques européens sont tous interconnectés et la fréquence de 50 Hz est maintenue par l’ensemble des gestionnaire de réseau du continent, constituant la zone synchronisée.

Vers 14h05, le 8 janvier, la fréquence dans la zone nord-ouest de l’Europe continentale a d’abord diminué pour atteindre une valeur de 49,74 Hz en une quinzaine de secondes. Par la suite, la fréquence a atteint une valeur stable d’environ 49,84 Hz. Dans le même temps, la fréquence dans la zone sud-est a d’abord augmenté jusqu’à une valeur de 50,6 Hz avant de se stabiliser à une fréquence d’équilibre entre 50,2 Hz et 50,3 Hz, rapporte Entoso-e.

En raison de la sous-fréquence dans la zone nord-ouest, les services interruptibles – des gros clients industriels sous contrat avec les GRT respectifs et qui acceptent de se déconnecter si la fréquence tombe en dessous d’un certain seuil – sous contrat en France et en Italie, pour un total d’environ 1,7 GW, ont été déconnectés afin de réduire l’écart de fréquence. En outre, 420 MW et 60 MW de puissance de soutien ont été automatiquement activés à partir des zones nordique et britannique synchrones respectivement, indique Entso-e. En outre, des contre-mesures automatiques et manuelles ont été activées, y compris la réduction de la production (par exemple, la déconnexion automatique d’une centrale de 975 MW en Turquie à 14h04min57s).

L’ensemble de ces actions a permis de limiter, dès 14h09, l’écart de fréquence à une déviation d’environ 0,1 Hz dans la zone nord-ouest par rapport à la fréquence nominale de 50 Hz.

En raison de l’importante sur-fréquence dans la zone sud-est, des contre-mesures automatiques et manuelles ont été activées (c’est-à-dire la réduction de l’alimentation des unités de production) afin de stabiliser la fréquence. Ainsi, à 15h05, la déviation de fréquence dans la zone sud-est a pu être limitée à 50,1 Hz.

Map of Continental Europe Showing the two separated areas during the system even on 8 January 2021 (source : Entso-e)

Un coupleur de barres croate

L’analyse d’Entso-e conclut que l’événement initial a été le déclenchement d’un coupleur de barres de 400 kV dans la sous-station d’Ernestinovo (Croatie) par une protection contre les surintensités à 14h04min25s.Cela a entraîné un découplage des deux barres omnibus dans la sous-station d’Ernestinovo, qui à son tour a séparé les flux d’énergie, laissant les lignes à destination du nord-ouest connectées à une barre omnibus reliant Ernestinovo à Zerjavinec (Croatie) et Pecs (Hongrie). Parallèlement, les lignes à destination du sud-est restaient, elles, connectées à une autre barre omnibus reliant Ernestinovo à Ugljevik (Bosnie-Herzégovine) et Sremska Mitrovica (Serbie).

La séparation des flux dans la sous-station Ernestinovo a entraîné une surcharge sur les lignes voisines, notamment la ligne Subotica – Novi Sad (Serbie). Cette situation a été suivie d’autres déclenchements de lignes, conduisant, in fine, à la séparation du système en deux parties à 14h05min08s.

La séparation du système a entraîné un déficit de puissance d’environ 6,3 GW dans la zone nord-ouest et un surplus de puissance équivalent dans la zone sud-est, avec pour conséquence une diminution de la fréquence dans la zone nord-ouest et une augmentation de la fréquence dans la zone sud-est.

Des GRT en action

En Europe continentale, des procédures sont en place pour éviter les perturbations du système et notamment les écarts de fréquence importants avec le risque de déconnexion non coordonnée des clients ou de la production, rappelle Entso-e dans sa note. Les GRT Amprion (l’un des quatre en Allemagne) et Swissgrid (Suisse) sont responsables de ces procédures dans leur rôle de contrôleur de zone synchrone (SAM, en initiales anglaises) en Europe continentale. Le SAM surveille en permanence la fréquence du système. En cas d’écarts de fréquence importants, ils informent tous les TSO via le système européen de sensibilisation (EAS) et lancent une procédure extraordinaire pour les écarts de fréquence afin de coordonner les contre-mesures de manière rapide et efficace pour stabiliser le système, explique Entso-e.

Malgré la forte numérisation des réseaux de transport, une des étapes de cette procédure réside dans une conférence téléphonique organisée par Amprion, Swissgrid, RTE (France), Terna (Italie) et REE (Espagne). Cette téléconférence a eu lieu à 14h09 le 8 janvier 2021. Lors de la conférence téléphonique, la situation a été évaluée, les GRT ont été informés des contre-mesures qui ont déjà été activées (procédures automatiques). Ces actions, coordonnées entre les GRT de la zone nord-ouest et sud-est, ont également permis de rétablir une zone synchrone en Europe continentale.

Grâce à la grande résilience du réseau interconnecté et à la réaction rapide des GRT européens, la sécurité de l’exploitation et de l’approvisionnement en électricité n’a pas été davantage mise en danger, insiste Entso-e.

Très peu de clients finaux ont été privés de courant à l’occasion de cette déviation. De l’ordre de 70 MW dans la zone nord-est et de l’ordre de 163 MW dans la zone sud-est ont été déconnectés.

Une enquête formelle sur cet événement doit encore être conduite, avec la participation des régulateurs nationaux de tous les pays ainsi que de l’association des régulateurs européens, l’Acer.


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