Nous avons demandé à Alexandre Laybros, cofondateur de WattAnyWhere, de nous en parler.
WattAnyWhere est une entreprise franco-suisse qui développe des solutions énergétiques décentralisées, sur le concept des distributed energy resources (DERs), promu par l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA), dans le but de répondre à la demande croissante en électricité.
L’entreprise propose un générateur à pile à combustible qui convertit l’éthanol en électricité propre sans polluant, à destination du commerce de détail, des opérateurs de recharge de véhicules électriques et de l’industrie.
Techniques de l’ingénieur : Comment s’est déroulée cette première démonstration off-grid ?
Alexandre Laybros : Cette démonstration, qui a eu lieu à Sion, au sein du laboratoire CELECTIS[1], consistait à tester le système en conditions de laboratoire, c’est-à-dire le générateur, avec sa source d’éthanol, relié au conteneur intégrant l’ensemble de l’électronique de puissance.
Pour rappel, notre système comporte « 3 étages » :
- L’éthanol est reformé dans un gaz de synthèse qui contient l’hydrogène.
- Ce gaz de synthèse est injecté dans la pile à combustible.
- Le courant produit en DC est converti en AC afin d’alimenter une borne de recharge de véhicules électriques classique, de 22 kW.
Pour cet essai, nous avons placé les deux premiers étages à l’intérieur du laboratoire et installé l’électronique de puissance à l’extérieur du bâtiment, à proximité d’une borne de recharge de véhicules électriques.
Grâce aux compteurs électriques placés à différents endroits du système, nous avons ainsi démontré l’injection du courant depuis la pile, jusqu’à l’électronique de puissance. Pour ce qui est de la voiture, la preuve de la recharge était fournie par l’écran du véhicule, qui indiquait la charge maximale : 10 kW.
Pourquoi 10 kW ? Parce que c’était l’objectif fixé par Shell, dans le cadre du programme Shell GameChanger, pour passer à l’étape suivante : les essais en conditions réelles.
À ma connaissance, c’est la première fois qu’un essai de recharge concluant a lieu, avec un procédé électrochimique, depuis le bidon d’éthanol jusqu’à la voiture électrique, à un tel niveau de puissance, sans émissions polluantes et sans bruit.
Pouvez-vous nous parler de la prochaine étape du programme Shell GameChanger ?
Cet essai en laboratoire nous permet de valider le niveau TRL 6, en termes de maturité technologique. La prochaine étape, le TRL 7, sera atteinte à partir du moment où nous aurons réussi à installer l’ensemble des équipements dans un conteneur, ce qui démontrera la transportabilité complète du système.
Ce futur essai Proof Of Concept consistera donc à placer le conteneur sur un camion et à le livrer jusqu’à la station-service Shell de Val Neuvy, sur l’autoroute A10. Mais, au-delà du transport, cet essai validera aussi le fait de pouvoir connecter et utiliser la machine sur site.
L’autre aspect qui nous intéresse également, avec ce programme, c’est de démontrer la possibilité d’alimenter la station en énergie, en se connectant au tableau basse tension du site. C’est donc aussi un pas vers d’autres cas d’usage qui permettront à WattAnyWhere de se développer.
Quels sont ces cas d’usage sur lesquels vous travaillez ?
Il y a une myriade d’applications : alimentation de bâtiments, remplacement des génératrices diesel sur les chantiers, alimentation des festivals, des usines… Bref, toutes les situations pour lesquelles un apport de puissance local est nécessaire et où le réseau électrique n’est pas en mesure de fournir l’énergie, soit à cause des délais de connexion, soit en raison d’un prix au kWh trop élevé.
Je précise d’ailleurs qu’avec WattAnyWhere, il est possible de diviser par trois le prix au kWh pour les professionnels[2] !
Car malgré ce qu’on entend dans les médias concernant la baisse de l’électricité pour les particuliers, nous constatons que la compétitivité des professionnels est toujours pénalisée par des prix élevés, autour de 30 centimes d’euros le kWh.
Et au-delà du prix élevé, les professionnels ont également des problèmes d’accès à l’électricité. Aujourd’hui, quand une entreprise de taille moyenne veut installer un nouveau point de recharge de véhicule électrique, elle doit « prendre son ticket » et attendre son tour.
Voici un exemple : le site Arcelor Mittal de Dunkerque a pour stratégie de remplacer ses fours à gaz par des fours électriques, ce qui nécessite 200 MW de puissance. Or, des chantiers d’une telle ampleur sont prioritaires pour EDF, ENGIE ou ENEDIS et utilisent énormément de ressources, au détriment de projets qui ont seulement besoin de quelques centaines de kW.
Comment envisagez-vous la suite ? La commercialisation est-elle pour bientôt ?
Si tout va bien, nous devrions atteindre la phase pilote TRL 8 en 2026 et la commercialisation d’un produit entièrement indépendant et opérationnel est prévue pour 2027. Nous avons d’ailleurs déjà des demandes de la part d’entreprises qui souhaitent décarboner leurs activités, notamment dans le bâtiment.
Concernant les financements, nous avons lancé une levée de fonds en série A pour accélérer le développement et l’industrialisation. Bien entendu, nous sommes toujours à la recherche de nouveaux partenaires !
D’ailleurs, le 9 avril était une très bonne journée pour nous, puisque nous avons aussi été identifiés dans le mapping 2025 des startups françaises à impact, par Bpifrance. Cette visibilité supplémentaire devrait également nous aider pour la suite.
[1] Partenaire de WattAnyWhere
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