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Les bornes intelligentes, avenir de la recharge des véhicules électriques

Posté le 3 novembre 2025
par Arnaud Moign
dans Énergie

En 2035, la France devrait compter 18 millions de véhicules électriques, une massification qui impose de revoir totalement la gestion des réseaux électriques et d’ouvrir la voie vers un pilotage précis de la recharge. Nous avons interrogé Vianney Devienne, CEO de Zaptec France, filiale du groupe norvégien pionnier de la recharge intelligente.

Basé en Norvège, Zaptec est un leader européen des solutions de recharge. Le groupe est présent dans 18 pays et reconnu pour ses technologies innovantes et durables.

Vianney Devienne, CEO de ZAPTEC France, tenant la borne de recharge Zaptec Pro (Crédit photo : Zaptec)

 Zaptec France développe et commercialise des bornes de recharge intelligentes pour véhicules électriques.

Vianney Devienne en est le Directeur Général. Il est également responsable du développement et de l’adaptation de l’offre sur le marché français.

Techniques de l’ingénieur : Avant d’aborder la recharge intelligente, parlons du maillage des bornes électriques. Est-il suffisant ?

Vianney Devienne : Partons d’un constat initial. L’accord de Paris vise à atteindre la neutralité carbone en 2050. Or, on sait que le transport représente 30 % des émissions de CO2 en France. La transition vers le véhicule électrique, qui est en cours, est donc un levier puissant de décarbonation. Fin septembre, la France comptait plus de 2 350 000 véhicules électrifiés, dont 1,5 million de pur électrique, le reste étant de l’hybride rechargeable.

La trajectoire, pour 2035, c’est jusqu’à 18 millions de véhicules électriques, pour un parc automobile composé de 38 millions de véhicules particuliers. Pour atteindre de tels chiffres, il faut donc continuer de lever les freins à l’achat de l’électrique (prix, autonomie, aides, etc.), mais aussi développer un maillage suffisant de bornes de recharge.

À l’heure actuelle, le maillage français est plutôt bon, si on le compare à celui de nos voisins européens. En effet, on compte déjà 1,4 million de bornes chez le particulier, presque 1 million en entreprise, 170 000 bornes ouvertes au public (parkings, supermarchés, etc.) et 34 000 bornes de recharge rapide (autoroutes, etc.).

Comme l’Union européenne préconise un ratio d’une borne de recharge publique pour dix véhicules électriques, pour le moment, le maillage répond au besoin. Néanmoins, la croissance de l’électrique impose de poursuivre le déploiement de nouvelles bornes et l’État s’est fixé un objectif de 400 000 bornes publiques d’ici 2030. Mais cette massification de l’électrique pose un autre problème : celui de la consommation électrique.

Si la France dispose d’un réseau électrique robuste capable de supporter 2 millions de véhicules électriques, les choses risquent de se compliquer avec 18 millions de véhicules en circulation. Selon Enedis et RTE, multiplier par huit le nombre de bornes de recharge engendrera un potentiel de pic équivalent à 18 tranches de centrales nucléaires !

En quoi la recharge intelligente peut-elle aider à résoudre ce problème ?

L’idée est d’éviter ce pic, en étalant la recharge, grâce à un pilotage. C’est ce qu’on appelle la recharge intelligente, par opposition à la recharge naturelle que l’on connaît actuellement. En recharge naturelle, l’utilisateur branche son véhicule, ce qui lance immédiatement la recharge et fait un appel de puissance direct sur le réseau.

Pour se donner une idée, une borne à domicile (7 kW) c’est trois ballons d’eau chaude qui se mettent en route d’un seul coup. Sur la voirie, c’est trois fois plus (22  kW) et en borne de recharge rapide c’est des centaines de kW, ce qui est énorme. Si la recharge intelligente n’a pas vraiment de sens en recharge rapide, sur autoroute par exemple, elle en a dans toutes les situations de recharge où les véhicules vont stationner longtemps, en résidentiel comme en entreprise.

Cette recharge est intelligente, car elle prend en compte de multiples facteurs externes : prix de l’électricité, heures creuses, heures pleines, appareils en fonctionnement dans le bâtiment, mais aussi l’autoproduction d’électricité. Par exemple, si des panneaux solaires sont présents sur le site, lancer automatiquement la recharge lorsque les panneaux sont en pleine production fait sens.

Elle permet aussi de traiter des situations très complexes, notamment dans les grands bâtiments qui disposent d’une flotte de véhicules électriques reliés à un même point de livraison. Il faut alors prendre en compte les besoins de recharge de chaque véhicule, afin que la voiture soit suffisamment chargée au moment du départ, pour le trajet prévu.

La prise en compte de toutes ces données nécessite de mettre en place une algorithmie puissante afin de sortir un planning de recharge idéal, correspondant exactement au besoin.

Qui sont les opérateurs de cette recharge intelligente ?

À l’échelle nationale, les énergéticiens développent des offres spécialement adaptées à la recharge de véhicules électriques. L’utilisateur autorise le pilotage par le fournisseur, qui fait alors une offre adaptée et moins chère.

À l’échelle locale, ce sont plutôt des gestionnaires techniques de bâtiments (GTB). Jusqu’à présent ils géraient essentiellement la climatisation, la ventilation et la production photovoltaïque locale en tenant compte du prix de l’électricité. Maintenant, ils sont aussi amenés à gérer les bornes de recharge. Mais pour y arriver, ils ont besoin de bornes connectées, intelligentes et pilotables comme celles que Zaptec propose.

Ce pilotage implique-t-il un changement de modèle économique ?

En fait, beaucoup de choses sont en train de changer dans la gestion des réseaux électriques. En Norvège, pays de la maison mère de Zaptec, le prix de l’électricité varie déjà d’une heure à l’autre pour un particulier !

En Angleterre, le constructeur automobile BYD, Octpus Energy et Zaptec viennent même de proposer une offre en leasing permettant de louer sa voiture à 200 livres par mois, avec installation d’une borne à domicile offerte et électricité gratuite à vie. Leur stratégie est d’agréger suffisamment d’utilisateurs pour devenir un véritable acteur du réseau et profiter de moments de recharge où l’électricité est très peu chère, voire négative. Négative, car, dans certains pays, on incite à consommer l’électricité à certains moments au moment où le réseau électrique est surcapacitaire.

Il est donc clair que le consommateur va progressivement devenir acteur du réseau électrique. Or, le métier de Zaptec est de proposer des solutions matérielles et logicielles les plus évolutives et les plus flexibles possibles, pour permettre aux opérateurs de délivrer des services de pilotage intelligent qui deviendront essentiels dans les dix prochaines années.


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