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Le Grand carénage d’EDF : un chantier industriel d’ampleur

Posté le 27 mars 2019
par Joël Spaes
dans Énergie

Lancé en 2014, le Grand carénage d’EDF constitue un chantier industriel d’ampleur, recouvrant un grand nombre d’opérations lourdes sur le parc nucléaire français. À l’occasion d’une journée de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN), le 20 mars dernier, le point a été fait sur cette vaste opération.

Philippe Sasseigne, le directeur du parc nucléaire et thermique, a rappelé que le Grand carénage vise à maintenir le parc nucléaire dans la durée. « Il s’agit d’un axe fort de stratégie économique d’EDF pour contribuer à la transition énergétique. Une transition dont l’objectif est de décarboner l’énergie et en particulier l’électricité ». Cette stratégie Cap 2030 a aussi pour objet de renforcer la place de leader d’EDF en matière d’énergies bas carbone dans la durée, en se fondant sur la complémentarité entre les énergies renouvelables et le nucléaire. Une stratégie qui se trouve confortée par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), laquelle permet la prolongation de réacteurs, en réduisant la part du nucléaire dans l’électricité à l’horizon 2035 à 50%, contre 75% aujourd’hui, mais aussi qui ne ferme pas la porte à la possibilité de construire de nouveaux réacteurs, donnant deux ans à EDF pour se préparer pour l’avenir.

Le Grand carénage

Le programme Grand carénage recouvre tout à la fois la mise à niveau de la totalité du parc de réacteurs de 900 MW à l’âge de 40 ans et leur prolongement de 10 ans au départ, mais aussi la maintenance habituelle du parc (par exemple, des examens périodiques tous les dix ans des réacteurs de l’ensemble du parc nucléaire) et les mesures post-Fukushima demandées par l’autorité de sûreté nucléaire française  (ASN – Autorité de sûreté nucléaire), a signalé Emmanuelle Verger, directrice gestion-finance à la direction du parc nucléaire et thermique d’EDF, lors de la convention SFEN.

Des impératifs de sûreté

De son côté, Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASN, a détaillé les enjeux en termes de sûreté de ce grand carénage. Rappelant d’abord que les quatrièmes visites décennales sur le parc 900 MW vont rester inégalées par leur ampleur et par le volume de travaux réclamés à EDF dans la mesure où plusieurs réacteurs atteindront les 40 ans en même temps, J. Collet a souligné que le Grand carénage devait intégrer plusieurs aspects. D’abord, il a souligné que les 40 ans constituent une échéance technologique et pas un couperet, signalant qu’il s’agissait d’une hypothèse de conception. L’objectif est donc de qualifier les équipements dans la durée, notamment la cuve du réacteur. L’échéance technologique vise à traiter l’obsolescence de certains équipements – ce pas uniquement sur le plan de la sûreté – et donc parfois de remplacer ou de mettre à niveau différents éléments. En termes de sûreté, il s’agit notamment de vérifier la conformité des installations, donc le respect du référentiel de départ, notamment à l’aune d’événements récents sur le parc 900 MW qui ont fait apparaître certains écarts.

Ensuite, le Grand carénage prend en compte le retour d’expérience de Fukushima, l’objectif poursuivi étant d’éliminer les risques de fusion du cœur, d’éviter les vidanges des piscines (comme cela a été le cas à Fukushima) et de disposer à tout moment d’eau pour refroidir les installations. Cela se traduit par la mise en œuvre de moyens mobiles d’intervention (la Force d’action rapide nucléaire – FARN), mais aussi l’installation de diesels d’ultime secours afin de maintenir l’approvisionnement en eau en cas d’accident, d’un centre de crise bunkerisé, ainsi que par une modification d’équipements, par exemple la distribution d’électricité et le contrôle commande.

Ensuite, une réévaluation du niveau de sûreté, qui vise plus particulièrement, en France à se rapprocher le plus possible de l’installation la plus récente du parc, c’est-à-dire des critères de sûreté de l’EPR. Ce qui implique des aménagements dans les réacteurs datant de 40 ans et de nombreuses phases de démonstration que cet objectif est bien atteint.

Un changement du cadre de la réglementation est également en place, depuis la loi de transition énergétique de 2015, avec l’obligation de procéder à des enquêtes publiques. Enfin, J. Collet a souligné que le calendrier du Grand carénage est contraint, puisque la mise en œuvre des éléments liés au retour d’expérience de Fukushima a différé le début des travaux proprement dits de prolongation du parc. En 2020, l’ASN rendra un avis dit « générique » pour l’ensemble des prescriptions applicables sur le parc 900 MW, avant la déclinaison réacteur par réacteur. Mais dans le même temps, la première visite décennale aura lieu à Tricastin 1, dès cette année, indique J. Collet.

Une opération rentable

Une série d’opérations sur la période 2014-2015 qui mobilise toute la filière nucléaire, soit près de 2 600 entreprises en France et quelque 220 000 emplois, a insisté P. Sasseigne.

Son coût est maintenant estimé à environ 45 milliards d’euros (51 milliards de dollars, soit 48 milliards d’euros en 2015 euros). Depuis le début du plan, en 2014, le coût du Grand carénage a été réduit de 10 milliards d’€, compte tenu du fait que le gouvernement a annoncé la fermeture de deux réacteurs à Fessenheim, mais aussi grâce à la réduction des coûts obtenue par le management de projet mis en place par EDF (soit deux tiers de cette réduction).

La maintenance courante représente environ 21 milliards d’euros de ce coût. Le Grand carénage s’élève ainsi autour d’un milliard d’euros par an sur la base d’une production d’environ 400 TWh/an, soit environ 2 €/MWh à 2,5 € /MWh, a indiqué E. Verger.

Même s’il est difficile de prévoir un prix de l’électricité sur le marché dans les 10 à 15 prochaines années, EDF s’attend à un retour sur investissement à deux chiffres grâce à ce programme, d’ici 2025, a insisté E. Verger.

 « Il est évident que le prix de l’électricité sur le marché est un fait hautement dimensionnant, mais du point de vue actuel, aucun argument économique ne permet d’affirmer qu’il n’y a pas de raison de ne pas prolonger la durée de vie du parc », conclut-elle


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