Interview

Le séisme du Teil : une rupture de surface qui interroge

Posté le 11 septembre 2020
par Matthieu Combe
dans Environnement

Une nouvelle étude montre que la faille de La Rouvière, à l’origine du séisme du Teil en Ardèche, est réactivée. Une surprise pour ce séisme qui a provoqué une rupture de surface.

Le 11 novembre 2019, un séisme de magnitude 5 a frappé le village du Teil et ses environs, dans la vallée du Rhône, en Ardèche, générant une rupture et un déplacement inattendus de la surface du sol. Une nouvelle étude parue le 27 août 2020 dans la revue Communications Earth & Environment, montre que le séisme est dû à la réactivation de la faille de La Rouvière, et qui n’était pas considérée comme active de nos jours. Jean-François Ritz, directeur de recherche CNRS au laboratoire Géosciences de Montpellier, et premier auteur de l’article, répond à nos questions.

Techniques de l’ingénieur : Pourquoi le séisme du Teil a-t-il été une surprise ?

Jean-François Ritz : Le séisme du Teil a été une surprise à double titre. Tout d’abord, le foyer étant très superficiel, autour de 1 km de profondeur, la rupture a atteint la surface, bien que la magnitude (M5) du séisme fût modérée. Généralement –statistiquement en régions continentales, et hors zone de subduction –, on s’attend à ce qu’il y ait une rupture de surface à partir de magnitude 6, pour des profondeurs moyenne de nucléation comprises entre 5 et 12 km. La faible profondeur du foyer explique également qu’il y ait eu autant de dégâts avec notamment plus de 900 maisons endommagées qui ne sont plus habitables. L’énergie n’a pas eu l’espace et le temps de se dissiper au sein de la roche, comme il aurait été le cas si le foyer du séisme était autour de 5-10 km de profondeur. C’est donc une première en France : l’observation directe de ce phénomène de rupture de surface ; un risque qui était considéré comme négligeable jusque-là. La faille de La Rouvière fait 10 km de long. Le 11 novembre 2019, elle a cassé sur la moitié de sa longueur (5 km). Le séisme a entraîné un déplacement moyen du sol de 10 cm verticalement et de l’ordre de 10 cm horizontalement également.

Et la deuxième surprise ?

Ce séisme s’est produit sur une faille qui n’était pas cartographiée comme potentiellement active. Or elle l’est, puisqu’elle a produit un séisme. Du coup, c’est un nouveau problème pour tous les scientifiques qui s’intéressent au risque sismique. Y a-t-il d’autres failles comme celle de la Rouvière qui pourraient être réactivées dans la région de Montélimar, sur le faisceau de failles cévenol, ou ailleurs en France, voire en Europe de l’Ouest ? Pour mieux estimer cette probabilité, plusieurs équipes en France ont entamé des investigations paléosismologiques à la recherche d’indices d’anciens séismes le long de telles failles.

Une faille non cartographiée comme active, qu’est-ce que cela signifie ?

On considère qu’une faille est active lorsque celle-ci montre des traces d’activité au cours des deux derniers millions d’années, c’est-à-dire au cours de la période quaternaire. Dans le cas de la faille de La Rouvière, de telles traces de déplacement dans les formations quaternaires n’avaient pas été observées. D’où une question importante : la faille avait-elle cassé avant mais la/les trace(s) de ces anciens séismes n’étaient pas visibles en surface, ou est-ce la première fois qu’elle est réactivée depuis qu’elle existe ? Cette faille est héritée de l’Oligocène, une période durant laquelle une tectonique d’extension a affecté le sud-est de la France il y a 20 à 30 millions d’années, et qui a vu l’ouverture de la Méditerranée occidentale (Golfe du Lyon).

Par conséquent, il nous faut reprendre notre base de données sur les failles potentiellement actives en France métropolitaine, et donc lancer de nouvelles études, notamment sur un certain nombre de failles anciennes afin de déterminer si nous devons les considérer comme actives ou non. Nous devons notamment réaliser plus d’investigations paléosismologiques, c’est-à-dire rechercher les traces potentielles de séismes anciens – bien sûr en surface si celles-ci sont préservées et si on peut encore les observer – mais surtout au niveau de coupes réalisées dans les dépôts quaternaires, au droit des failles anciennes. On réalise pour ce faire des « tranchées » de 2 à 6 mètres de profondeur pour observer les dépôts récents et étudier s’ils sont affectés ou non par des ruptures que l’on n’aurait pas vu en surface. Les résultats de ces recherches aideront les spécialistes du risque sismique à déterminer si oui ou non le dimensionnement des constructions et les ouvrages sensibles, notamment les centrales nucléaires qui sont dans la région, doit être réévalué.


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