Interview

Mesdames, osez devenir astronaute !

Posté le 23 février 2022
par Jeanne PÉRIÉ
dans Innovations sectorielles

La conquête de l’espace, ouverte avec le bip-bip du Spoutnik soviétique en 1957, est devenue une réalité pour chaque citoyen de la planète Terre en juillet 1969, avec la conquête de la Lune lors de la mission Apollo 11 de la NASA. Depuis cette date, de nombreux astronautes sont allés dans l’espace, mais très peu sont des femmes. Rencontre avec Claudie Haigneré, première et pour l’instant seule femme astronaute Française à avoir séjourné dans l’espace.

Claudie Haigneré a effectué deux missions spatiales, l’une en 1996 à bord de la station spatiale MIR et l’autre à bord de l’ISS en 2001. Choisie en 1985 par le CNES pour devenir astronaute, parmi mille candidats dont 10 % de femme, elle n’a de cesse de promouvoir les sciences pour toutes et tous.

Techniques de l’Ingénieur : Claudie Haigneré, quelles ont été vos motivations personnelles pour devenir astronaute ?

Claudie Haigneré. Crédit : CNES

Claudie Haigneré : J’ai pu voir de mes propres yeux, grâce à la télévision, le premier pas sur la lune effectué par Neil Armstrong en juillet 1969 ! J’avais douze ans, j’étais fascinée par l’exploration, l’aventure…et ce passage de l’imaginaire à la réalité m’a profondément marquée. On peut dire que j’étais une enfant de la génération Apollo 11.
Par la suite, j’ai fait des études scientifiques et suis devenue médecin…tout en rêvant secrètement de devenir astronaute. Mon vœu se réalisa en 1985, lorsque j’eus connaissance d’un appel à candidature par le CNES (Centre national d’études spatiales). J’ai tout simplement candidaté et j’ai été sélectionnée la même année parmi un millier de candidatures.

 

Quelles sont les compétences recherchées pour séjourner à bord de la station spatiale internationale (ISS) ?

Après ma sélection par le CNES, j’ai élargi ma formation de médecin par un doctorat en neurosciences. Puis je suis partie à la cité des étoiles, près de Moscou, en 1992 pour apprendre les bases du métier d’astronaute. J’y ai appris le russe, et des compléments théoriques et opérationnels d’ingénierie. Je me suis entraînée régulièrement dans le simulateur de missions (capsule Soyouz et station spatiale) avec mes collègues d’équipage russes, et avec les équipes de scientifiques et d’ingénieurs franco-russes. Et j’ai démontré, au-delà des compétences scientifiques et techniques, de réelles qualités relationnelles.
Les profils recherchés sont très divers (chercheur, ingénieur, pilote), chacun apportant à l’équipe des compétences complémentaires au service de la réussite d’une mission complexe.

Être une femme, est-ce un atout ou un frein pour devenir astronaute ?

La sélection des futurs astronautes en 1985 n’a fait apparaître aucune différence dans les critères entre les candidats : homme ou femme, civil ou militaire, ingénieur ou pilote ou chercheur… Il est vrai qu’il n’y a eu à l’époque que 10 % de candidatures féminines, mais l’appel à candidatures était ouvert à tous et toutes. Pour moi, la question ne s’est pas posée, je voulais tenter mon rêve. J’ai osé cette aventure , sans doute avec audace, mais surtout avec beaucoup de travail. Acquérir les compétences pour réussir une aventure collective m’a toujours guidée. Bien que tous les autres membres de l’équipage soient des hommes, je n’ai jamais ressenti aucune mise à l’écart ou mise en cause de ma légitimité. La diversité des profils et des expertises était au contraire un atout.

Que conseillez-vous aux jeunes filles et jeunes femmes qui rêvent de devenir, comme vous, astronaute ?

Osez !
Je suis la première et, pour l’instant, la seule femme française à avoir séjourné et travaillé dans l’ISS, et j’éprouve de la satisfaction à croire que mon exemple, à l’instar de celui de l’astronaute italienne de l’ESA, Samantha Cristoforetti, contribue à briser les clichés de métiers réservés aux hommes et encourager les jeunes femmes européennes à candidater. En effet, pour le récent appel à candidature de l’ESA (agence spatiale européenne), le pourcentage de candidates a presque doublé et le taux de femmes en lice après quelques phases de sélection est de 39 %. Par ailleurs, le programme de retour sur la Lune par la NASA a été nommé ARTEMIS, déesse et sœur d’APOLLO. laissant présager qu’il y aura une femme parmi les heureux astronautes qui bientôt marcheront sur la Lune.
Il y a de toute évidence une progression de la mixité avec des parcours réussis et de belle carrières, c’est satisfaisant, utile et bien sûr inspirant. Nous avons besoin de tous les talents.

Propos recueillis par Jeanne Périé


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