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Recherche désespérément programmeurs en vieux langages informatiques…

Posté le 8 juin 2020
par Philippe RICHARD
dans Informatique et Numérique

Depuis l'arrêt de l'économie américaine mi-mars, près de 33,5 millions de personnes ont pointé au chômage. Mais de nombreux États peinent à enregistrer toutes ces demandes, car ils s’appuient sur des machines fonctionnant sous COBOL, un langage informatique apparu à la fin des années 50 ! La pandémie révèle une dépendance très élevée de nombreux secteurs d’activité à des langages informatiques passés de mode…

« Nous avons des systèmes qui ont plus de 40 ans », a déclaré le gouverneur du New Jersey, Phil Murphy, à CNN. Touché par une vague de licenciements, cet État (mais aussi le Connecticut et le Kansas) croule sous les demandes d’enregistrements de chômeurs.

Mais ces services s’appuient sur de très vieux systèmes informatiques et en particulier le COBOL. Résultat, ces États ont le plus grand mal à embaucher des informaticiens maîtrisant ce langage sauf quelques-uns qui sont à la retraite…

Le COBOL (Common Business-Oriented Language) est né à la fin des années 1950 sous la volonté du ministère de la Défense des États-Unis qui avait constitué un consortium de sociétés informatiques, dont IBM, Honeywell, Sperry Rand et Burroughs.

Ce langage est ensuite devenu un rouage essentiel. D’énormes bases de données écrites en COBOL sont toujours utilisées dans le monde. Beaucoup d’entre elles semblent figées, comme si elles avaient été créées récemment.

Un rapport datant de 2017 avait révélé que plus de 220 milliards de lignes de code COBOL étaient encore utilisées dans le secteur financier, par de grandes entreprises et certaines administrations. Les auteurs de ce rapport avaient prévenu : « si quelque chose tourne mal, peu de gens savent comment le réparer  ».

IA, c’est plus sexy !

Le COBOL survit aujourd’hui, car IBM maintient activement ses propres implémentations et soutient de nombreuses applications comme celle proposée par Micro Focus, une entreprise anglaise d’informatique du Royaume-Uni. Cette édition commerciale du COBOL fonctionne sous Windows.

Cependant, les langages informatiques évoluent, comme le montre cette animation. La plupart des universités et des centres de formations n’enseignent plus le COBOL, ni même le FORTRAN (FORmula TRANslator). Ils sont considérés comme obsolètes, démodés et sans issue dans l’industrie de l’IT. Seules quelques universités (notamment en Inde) proposent encore des cours sur le COBOL.

L’intelligence artificielle (IA), la réalité virtuelle et augmentée (VR/AR), ou encore la conception de jeux semblent plus « sexy » et prometteuses pour la majorité des jeunes développeurs.

Pourtant, FORTRAN (inventé en 1954) est encore très utilisé dans le domaine de la défense et de la science, notamment pour les prévisions météorologiques reposant sur des supercalculateurs Cray.

Aujourd’hui, de nombreuses Directions des systèmes d’information (DSI) de grands comptes ou de banques font face à un dilemme. D’un côté, elles apprécient COBOL, car c’est un système fiable. Ce code est écrit dans un langage très structuré et facile à lire. Mais de l’autre, les spécialistes en COBOL sont devenus des perles rares.

Car en soi, le langage COBOL n’est pas un problème. Le casse-tête concerne son intégration et son interaction avec des codes plus récents tels que Java. Et changer de langage est une pratique à haut risque. En avril 2018, la banque TSB (Trustee Savings Bank) a tenté de migrer plus de 1,3 milliard de données clients. Résultat, un important crash informatique et des clients ne pouvant plus accéder à leur compte en ligne.

Finalement, certaines banques sont en train de repenser la formation proposée à leurs équipes informatique et envisagent sérieusement d’intégrer l’apprentissage du COBOL. D’autres embauchent des freelances âgés de plus de 60 ans pour intervenir sur les systèmes d’information historiques…


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