Wind turbine

Décryptage

95% de renouvelables en France est possible techniquement et économiquement selon l’ADEME

Posté le 9 janvier 2019
par Pierre Thouverez
dans Énergie

Alors que le gouvernement espagnol se fixe comme objectif 70% de renouvelables dès 2030 et qu'EDF s'apprête à construire une gigantesque centrale solaire au Maroc, l'ADEME, en collaboration avec le cabinet spécialisé ARTELYS fondé notamment par des anciens d'EDF, démontre que passer à 40% de renouvelable dès 2030, 85% en 2050 et 95% en 2060 en France est tout à fait possible. A la fois techniquement et économiquement.

« Dès lors qu’on cherche à optimiser les coûts de production de l’électricité et réduire son coût pour le consommateur, l’étude de l’ADEME aboutit à une part très importante des EnR dans le système électrique français » souligne l’agence étatique dans son communiqué de presse.  « Pour le consommateur, l’augmentation progressive de la part des EnR dans le mix électrique permet de faire baisser le coût total de l’électricité jusqu’environ 90 €/MWh hors taxe sur le long terme (à comparer au coût actuel, près de 100 €/MWh), ceci malgré l’augmentation prévisible du prix des énergies fossiles et du CO2. Cette estimation prend en compte tous les coûts du système électrique (production, réseau, stockage, importation…) et garantit l’équilibre offre-demande horaire pour les sept années météorologiques testées. »

Ce niveau d’énergie renouvelable très élevé ne manque pas de susciter un débat relatif au maintien de la stabilité du réseau, aujourd’hui réalisé grâce à l’inertie des groupes tournants. Il s’avère que c’est techniquement possible, et à un coût très marginal. De nombreuses études réalisées par des experts en Australie, aux USA, en Allemagne et dans d’autres pays du monde parviennent à des conclusions similaires.  « L’étude estime que même avec 87% d’EnR en Europe continentale en 2050, il est possible, pour un très faible coût, de prendre en compte le niveau d’inertie minimum que se fixe le gestionnaire de réseau irlandais Eirgrid pour les prochaines années (lequel est confronté à cette problématique en raison de l’insularité du pays et d’un taux d’EnR élevé) » affirme l’ADEME.  A quel coût?  « Moins d’1 €/MWh  » estime l’organisme d’état, soit 0,1 c€/kWh. Autrement dit, rien du tout.  Maintenir un réseau électrique insulaire (Irlande) est plus difficile qu’au niveau du continent européen en raison des interconnexions électriques.  Donc ce qui est possible avec les normes irlandaises l’est a fortiori à l’échelle du continent européen électriquement interconnecté.

L’étude montre que les batteries des voitures électriques, dans le cadre de l’approche V2G-G2V (Vehicule-to-Grid / Grid-to-vehicule) peuvent jouer un rôle clé pour offrir de la flexibilité électrique. 10 millions de voitures électriques avec une puissance de charge / injection de seulement 3 kW l’unité, c’est 30 GW. Le potentiel est donc énorme. La puissance appelée moyenne en France est de 60 GW.

« Il s’agit de peser sur le débat à venir et d’éclairer les choix jusqu’en 2060  »   souligne le président de l’ADEME, Arnaud Leroy, un proche d’Emmanuel Macron, en introduction du rapport.  « Il ne s’agit pas de prétendre décider une fois pour toutes les choix d’investissements pour les quarante prochaines années, mais bien de s’assurer qu’un choix fait aujourd’hui ne va pas faire peser des coûts indus à nos enfants et petitsenfants quelques dizaines d’années plus tard.  »

L’étude montre par ailleurs que construire de nouveaux réacteurs en France constitue un non-sens économique.  En outre l’EPR finlandais pourrait subir de nouveaux retards.  « L’achèvement des tests de mise en service n’a pas progressé conformément au calendrier mis à jour », a déclaré en octobre 2018 la compagnie d’électricité finlandaise Teollisuuden Voima (TVO). Le projet de gigacentrale solaire d’EDF au Maroc (825 MW)  pourra être réalisé bien plus rapidement.

40% de renouvelables en 2030 ? L’objectif est très modeste comparativement à celui de l’Espagne ou d’autres pays du monde. La France serait-elle condamnée à faire presque deux fois moins bien que  son voisin ibérique ? Selon le PDG du groupe français Neoen, passer « en 5 ans » à 50% de renouvelables (dont 30% de solaire + éolien et 15% d’hydroélectricité) est tout à fait possible. Quand on veut, on peut.


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