Interview

Second rapport annuel d’évaluation concernant la collecte des bouteilles plastiques de boisson

Posté le 29 décembre 2022
par Arnaud Moign
dans Environnement

Dans le cadre de la loi AGEC, l’ADEME est missionnée chaque année pour actualiser les taux de collecte des bouteilles en plastique de boisson. Le premier rapport annuel d’évaluation des performances de la France en matière de collecte estimait ce taux à 61% pour 2020 et 57% pour 2019. Ces taux ont depuis été revus légèrement à la baisse, suite à une décision de la Commission européenne de préciser les modalités de calcul, en vue d’une harmonisation. Le 2e rapport annuel d’évaluation de l’ADEME tient compte de ces nouvelles règles pour les années 2019, 2020 et 2021. Nous avons demandé à Sylvain Pasquier, l’un des co-auteurs de ce rapport, de nous en dire plus.
Sylvain PASQUIER est ingénieur ADEME (Crédit : ADEME)

 Sylvain PASQUIER est ingénieur ADEME et Coordonnateur de pôle emballages.

La France s’est donné pour objectif d’atteindre un taux de collecte des bouteilles plastiques de boissons de 77% en 2025 et 90% en 2029, comme le prévoit l’article 66 de la loi AGEC.

L’évaluation annuelle du taux de collecte est ainsi confiée à l’ADEME, dont le 2e rapport, publié en octobre 2022 est disponible sur son site.

Techniques de l’ingénieur : Pourquoi la Commission européenne a-t-elle imposé de nouvelles modalités de calcul concernant la collecte ?

Sylvain PASQUIER : L’objectif de collecte des bouteilles correspond à une disposition qui retranscrit en droit français une exigence de la directive SUP sur les plastiques à usage unique[1]. Cette directive prévoyait aussi des textes complémentaires pour préciser les modalités de calcul. Comme ces précisions ont été publiées très tardivement, elles n’ont pas pu être prises en compte lors de la parution du premier rapport de l’ADEME.

Quels sont les changements apportés ?

Lors de l’élaboration du premier rapport, nous avons calculé le taux de collecte en entrée de centre de tri. Or, la commission demande de calculer ce taux en sortie. La différence porte donc sur les bouteilles perdues lors du tri qui ne sont plus prises en compte dans le calcul du taux.

À l’ADEME, nous constatons que la Commission européenne produit beaucoup d’éléments qui vont dans le sens d’une harmonisation des modes de calculs entre les pays. Ce renforcement de l’encadrement est positif, car des écarts importants de méthodes existaient, rendant plus difficiles les comparaisons entre pays. Cette harmonisation contribuera aussi à limiter les distorsions de mise en œuvre entre pays.

Quel est l’impact de ces nouvelles modalités sur les taux calculés par l’ADEME concernant la France ?

Comme le taux de captage en centre de tri retenu était de 94 %, le taux de collecte actualisé correspond à 94 % de la valeur précédemment calculée, ce qui fait baisser le taux de quelques points.

En ce qui concerne les calculs de l’ADEME pour la France, c’est le principal ajustement qui a dû être fait suite à la publication des modalités de calcul.

Concernant les chiffres, au-delà de la baisse du résultat suite à la modification du calcul, ce qui compte c’est l’évolution du taux de collecte dans le temps, qui progresse d’environ 4 points par an depuis 2019, ce qui est assez significatif.

Comparaison des taux de collecte régionalisés pour les années 2019, 2020 et 2021 selon les modalités de calcul utilisées (source : rapport ADEME Collecte des bouteilles plastiques de boisson, octobre 2022)

La loi AGEC impose des objectifs concernant les taux de collecte. Sont-ils atteignables ?

L’atteinte de ces objectifs nécessite d’amplifier les moyens actuels, soit en consolidant les dispositifs de collecte existants, soit en mettant en place un dispositif complémentaire incluant une consigne pour recyclage.

L’article 66 de la loi AGEC prévoit qu’en milieu d’année 2023, des décisions seront prises concernant la mise en place éventuelle d’une consigne pour recyclage et réemploi.

L’ADEME conduit actuellement plusieurs travaux concernant ces éléments, de façon à disposer des enseignements pour la prise de décision, mi-2023.

Pourquoi les chiffres actuels ne sont-ils pas plus élevés ? Où sont les « trous dans la raquette » ?

En France, on constate de fortes disparités territoriales sur la performance de la collecte, et certaines régions sont en dessous de la moyenne nationale (cf. tableau ci-dessus). D’une manière générale, on constate que les résultats sont moins bons en habitat collectif, en milieu touristique et dans le cadre de la consommation nomade. En effet, le réflexe du tri semble moins ancré en dehors du domicile et les dispositifs de tri sont trop peu nombreux dans les lieux collectifs. Ces constats avaient déjà été mis en exergue dans le rapport précédent.

À noter que la dernière campagne nationale de caractérisation des déchets ménagers et assimilés a aussi mis en avant le fait que la collecte à domicile peut encore être améliorée, avec une part encore importante de bouteilles en plastique dans les ordures ménagères résiduelles.


[1] Directive UE 2019/904 sur la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement


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