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Analyser l’air intérieur avec l’IRES

Posté le 27 mai 2025
par Camille PASCHAL
dans Environnement

Bien que nous passions la majorité de notre temps à l’intérieur, nous sommes encore trop peu informés sur la pollution de cet espace. C’est pour y remédier que le laboratoire IRES développe des dispositifs d’analyses.

L’IRES a été créé en 2010 par le docteur Pierre Muller à Strasbourg. Spécialisé dans la chimie analytique, il se concentrait au départ sur l’analyse de l’eau. « Depuis quelques années, elle est très bien contrôlée partout, si bien que nous nous sommes attaqués à une autre problématique, dont l’intérêt est très récent : la pollution de l’air intérieur », explique le président du laboratoire. Nous passons près de 80 % de notre temps à l’intérieur et l’air y est souvent bien plus pollué qu’à l’extérieur. Les émissions liées au mobilier, à l’utilisation de produits chimiques ou la présence de moisissures peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. Le laboratoire réalise ses analyses principalement à l’aide de mèches de cheveux. Les molécules absorbées se retrouvent dans le poil et y restent tant qu’il ne tombe pas ou est coupé. Il est ainsi possible de mesurer l’exposition des mois précédents.

Différents dispositifs

L’IRES développe également des outils qui permettent à tous de mesurer la qualité de l’air intérieur. « Nous essayons de trouver des dispositifs de prélèvement simples, qui peuvent être employés par des personnes non spécialisées. Nous envoyons les capteurs (capteur de poussière à fixer sur l’aspirateur, à laisser plusieurs jours chez soi…) et les utilisateurs nous les renvoient ensuite. Nous extrayons les différentes molécules collectées et les comparons à une banque de données qui comprend une moyenne des composés présents dans l’air intérieur », explique Nathalie Ulrich, directrice et responsable qualité et métrologie à l’IRES. Ils servent notamment aux établissements recevant du public (crèches, hôpitaux, écoles…), qui ont l’obligation depuis 2018 d’analyser l’air intérieur.

En 2021, le laboratoire a également lancé un bracelet en silicone, comme celui que l’on porte en festival, qui permet aux particuliers de connaître leur exposition au quotidien, commercialisé sous la marque Kudzu Science, pour moins de 150 euros. « Lorsque l’on a développé ce bracelet, nous avons pensé qu’il serait utile pour mesurer la contamination des populations à risque tels que les agriculteurs, ceux qui habitent près des champs ou les pompiers. Ce bracelet en silicone, sans plastifiant, imite la peau humaine et crée un réseau qui va emprisonner les molécules. Une fois qu’il nous est retourné, nous le découpons en plusieurs parties pour réaliser des analyses. Les molécules sont extraites grâce à des solvants spécifiques selon les molécules recherchées », explique la directrice. Les résultats, disponibles en 10 à 15 jours, permettent de savoir si l’on a été exposé à des plastifiants, des perturbateurs endocriniens, des métaux lourds, des pesticides ou encore des allergènes et des moisissures, et ce, même à l’état de trace. 30 % de ces kits sont expédiés à l’étranger, en majorité aux États-Unis et au Canada.

Aider la recherche

Grâce à ses nombreux dispositifs, et notamment son bracelet, l’IRES souhaite participer aux études réalisées par une vingtaine de cohortes, en particulier sur les liens entre certaines molécules et les risques de cancers. « La plus grosse regroupe 25 000 volontaires. Nous avons également collaboré avec l’association Générations Futures ou encore certains députés qui voulaient sensibiliser au sujet des PFAS. C’est nous qui avons réalisé leur analyse de cheveux et avons montré qu’ils contenaient toutes ces substances dangereuses », ajoute Nathalie Ulrich.

Si le laboratoire collabore avec la recherche, elle travaille aussi avec le privé. À la suite d’une restructuration en 2017, il devient une filiale d’Edéis ingénierie, une entreprise spécialisée dans la conception et la construction de bâtiments. « Ensemble nous avons lancé un label qui vise à référencer les peintures, colles, et revêtements de sol ayant un faible impact sur la qualité de l’air intérieur, en prenant en compte 76 substances chimiques », développe Pierre Muller. Dans la continuité de ce projet, l’IRES sortira bientôt une application pour smartphones, sur le même modèle que Yuka, pour les matériaux de bricolage (peintures, colles, revêtements, meubles…).


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