L’augmentation du nombre de maladies somatiques et de dysfonctionnements des fonctions reproductrices et hormonales des adultes et des enfants, qui a été constatée par l’OMS en 2012, pose la question de l’action « perturbatrice endocrinienne » des substances chimiques industrielles ou naturelles (phytohormones) avec lesquelles les humains sont en contact par l’intermédiaire de produits de consommation courante, de l’environnement, ou par l’activité professionnelle. Les perturbateurs endocriniens peuvent activer ou bloquer des sites de l’ADN en se fixant sur les récepteurs nucléaires spécifiques des hormones naturelles, mais aussi sur des récepteurs nucléaires métaboliques, (récepteurs nucléaires orphelins), spécialisés dans les actions de maintenance et de détoxication des cellules. Ils peuvent modifier, à la place des hormones, le fonctionnement des cellules de l’organisme humain ou animal, entraînant l’apparition de pathologies et de cancers hormono-dépendants.
Si des substances telles que le bisphénol A, les phtalates ou les Isoflavonoïdes, dont la structure chimique est proche de celle des hormones, sont fortement suspectées, de nombreux autres produits (dont la caféine et les métaux lourds) ont été impliqués dans ces manifestations toxiques. Ils agiraient à de très faibles doses difficilement analysables, selon un schéma non proportionnel (courbe en U). Cela rend extrêmement difficile la définition des risques encourus et la mise en place de protocoles de protection des populations et des travailleurs potentiellement exposés. De nombreux programmes de recherches sont en cours dans le monde pour étudier ce phénomène de perturbation endocrinienne qui serait susceptible, selon certaines associations, de menacer la pérennité de l’espèce humaine. Les stratégies de tests de l’OCDE et de l’EPA visent à caractériser les dangers des potentialités perturbatrices endocriniennes des substances chimiques. Ces tests n’explorent pas tous les aspects de la régulation hormonale et métabolique des organismes, ce qui peut conduire à une surestimation ou à une sous-estimation du danger de perturbation endocrinienne des substances étudiées, et pose la question de la spécificité des protocoles scientifiques existants. Cette situation d’incertitude maintient la société humaine « entre prudence et peur irrationnelle » et pèse sur les stratégies de développement industriel des entreprises.
Cet article a pour objectif de faire le point sur les connaissances concernant la problématique de la perturbation endocrinienne en ce qui concerne les mécanismes d’action, les méthodes de détection des perturbateurs endocriniens, ainsi que les substances soupçonnées d’être perturbatrices endocriniennes. Il mentionne les réglementations et normes en vigueur et met l'accent sur les difficultés rencontrées par les scientifiques et les législateurs pour cerner cette problématique. Enfin, il évoque les acteurs industriels et les actions qu’ils peuvent mettre en place afin de faire face aux incertitudes scientifiques et réglementaires tout en protégeant leur personnel, les utilisateurs et consommateurs, ainsi que l’environnement d’un risque de perturbation endocrinienne.