« Suivi des performances techniques et matières de déconditionneurs de biodéchets ». Voilà le titre – sans doute peu évocateur pour les non-initiés – d’une étude publiée le 23 avril dernier par l’Ademe, l’Agence de la transition écologique. Sous les apparences quelque peu cryptiques de cet intitulé se cache toutefois une problématique ô combien importante aujourd’hui.
Produits à hauteur de 28,4 millions de tonnes par an en France, les biodéchets constituent un vaste gisement dont une part croissante est aujourd’hui valorisée – à la faveur notamment de la généralisation du tri à la source – plutôt que d’être simplement enfouie ou incinérée. Ceci, principalement via deux filières : le compostage, mais aussi la méthanisation.
Or, une partie des biodéchets qui alimentent les quelque 731 unités de méthanisation que compte aujourd’hui notre territoire y arrivent emballés. « Ces biodéchets emballés proviennent principalement de la grande distribution alimentaire, des industries agroalimentaires, des grossistes […], de certains restaurants […], ou encore des ménages », énumère l’Ademe dans un rapport publié en 2021. Des emballages notamment faits de verre, de métaux, mais aussi de matières plastiques, qu’il convient ainsi de séparer de la matière organique avant méthanisation. Objectif principal : éviter de polluer les sols agricoles sur lesquels sont finalement épandus les résidus solides et liquides issus du procédé, les digestats.
« Outre la production de biogaz, notre objectif est de nous assurer de la qualité de la matière organique retournant au sol, afin de transmettre des terres viables aux prochaines générations », témoignait le 30 avril dernier Christophe Rousseau – agriculteur-méthaniseur en Bourgogne-Franche-Comté et administrateur au sein de l’AAMF, l’association des agriculteurs méthaniseurs de France – dans le cadre d’un webinaire organisé par Green Creative, l’un des rares[1] fabricants français de ces machines d’un genre nouveau qui ont émergé, il y a une quinzaine d’années maintenant, dans le contexte décrit plus haut : les déconditionneurs.
Des équipements prometteurs, dont les performances restaient toutefois à évaluer par un tiers. C’est ce à quoi s’est attelée l’Ademe l’année dernière, au travers d’une nouvelle étude, inscrite dans la droite ligne de travaux menés en 2016 et 2021 par l’Agence.
Des soupes organiques passées au crible
« L’étude de 2021 constituait une évaluation à un instant t de la qualité des soupes organiques issues de déconditionneurs de biodéchets. Notre objectif, cette fois, a été d’évaluer cet aspect sur une période plus longue, grâce à un suivi de six mois mené auprès de sept unités de méthanisation volontaires, mettant chacune en œuvre des déconditionneurs de marques et de modèles distincts, éventuellement accompagnés d’équipements complémentaires de centrifugation, ou de filtration par exemple », résume Thierry Rolland, coordinateur du pôle déchets d’activités économiques, valorisation énergétique et impacts environnementaux de l’Ademe.
Un total de 35 échantillons de pulpe organique ont ainsi été prélevés sur les sept sites en question, puis analysés par un laboratoire indépendant.
Résultats : douze d’entre eux se sont révélé dépasser les seuils en matière d’inertes et d’impuretés fixés par la réglementation. « Ceci, principalement à cause de morceaux de plastiques supérieurs à 2 millimètres », souligne Thierry Rolland.
Des voies d’amélioration bien identifiées
Les unités de déconditionnement faisant appel à des équipements complémentaires s’en sont toutefois globalement mieux tirées que celles ne mettant en œuvre qu’un déconditionneur seul.
« D’une manière générale, pour produire une pulpe organique conforme aux exigences réglementaires, un exploitant devra s’équiper d’équipements complémentaires en plus de l’équipement de déconditionnement principal », notent ainsi les auteurs de l’étude publiée par l’Ademe en avril dernier. Mais ce, avant tout lorsqu’il s’agit de déconditionner des biodéchets provenant d’une large palette de producteurs, mêlant grandes surfaces, industriels de l’agroalimentaire, ménages ou encore restaurateurs. « Lorsque des biodéchets ménagers ou de restauration sont majoritaires, une unité de déconditionnement seule suffit pour obtenir une pulpe organique respectant les exigences [réglementaires] », précisent en effet les rédacteurs du document.
Des experts qui dressent ainsi, finalement, une série de recommandations visant à améliorer la qualité de la pulpe organique, et donc, in fine, des digestats de méthanisation retournant au sol : adoption d’équipements modernes et bien entretenus, optimisation des processus, ou encore formation adaptée du personnel… Mais aussi actions de sensibilisation visant à améliorer la qualité des intrants. « Dans un objectif « 0 indésirable dans la pulpe », il semblerait indispensable de continuer à sensibiliser les producteurs de biodéchets afin d’améliorer le tri en amont de l’installation […]. Le plastique, pratique et donc omniprésent, pose des défis considérables […]. Il semblerait indispensable d’encourager les comportements de consommation responsables et d’adopter des matériaux alternatifs tels que les emballages biodégradables ».
Et Thierry Rolland, ainsi, de conclure : « la responsabilité repose sur l’ensemble de la chaîne ! ».
Biodéchets, de quoi parle-t-on précisément ?
Déchets verts, alimentaires, organiques, putrescibles… Difficile, parfois, de s’y retrouver ! Une définition claire de la notion de biodéchets est toutefois fixée par le code de l’environnement dans son article L541-1-1 : sont en effet considérés comme biodéchets « les déchets non dangereux biodégradables de jardin ou de parc, les déchets alimentaires ou de cuisine provenant des ménages, des bureaux, des restaurants, du commerce de gros, des cantines, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que les déchets comparables provenant des usines de transformation de denrées alimentaires ».
[1] Voir la liste des 32 fabricants recensés en 2021 par l’Ademe, en page 14 de cette étude.
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