En chiffres

Des ressources en bois suffisantes mais à utiliser avec précaution

Posté le 3 mars 2022
par Stéphane SIGNORET
dans Énergie

Comment faire bon usage de la biomasse qui est incontournable pour la transition énergétique ? Un rapport du WWF et un autre de l’Ademe, publiés en janvier, éclairent notamment les ressources mobilisables et la dimension environnementale du bois-énergie.

Les besoins importants de ressources renouvelables pour la transition énergétique impliquent de donner une large place à la biomasse, en particulier celle issue des filières agricoles et forestières. WWF France et le bureau d’étude Solagro se sont intéressés à la biomasse mobilisable par ces deux filières en 2050. Dans leur rapport, le mode alimentaire à cet horizon répond en qualité et en quantité aux besoins nutritionnels sur la base du scénario Pulse Fiction qui implique également une agriculture plus durable. Une fois l’alimentation assurée, la biomasse restante mobilisable est estimée entre 45 et 50 Mt de matières sèches par an.

Dans la vision du WWF, un quart de la forêt française est laissée en « libre évolution pérenne » en 2050. L’exploitation des 75 % restants conduit en 2050 à des taux de prélèvements identiques à aujourd’hui mais en récoltant plus de feuillus (dont la part triple pour fournir 50 % du bois d’œuvre). En relocalisant le tissu industriel français, notamment les scieries, le bois est mieux mobilisé pour différents usages : construction, énergie, chimie, etc. La priorité est donnée aux bois d’œuvre (7,2 Mm³) et au bois d’industrie (13,9 Mm³).

Un usage modéré de la biomasse selon WWF

Pour la partie énergétique, le rapport de WWF évoque un volume utilisé de 52 Mm³ équivalent bois rond par an en 2050, dont 13,2 Mm³ issus directement de l’exploitation en forêt (bois ronds, plaquettes résultant du broyage), 31,8 Mm³ des produits connexes des industries du bois et du papier-carton, et 7 Mm³ du bois récolté hors forêt (haies, agroforesterie, arbres en zones artificialisées).

La biomasse forestière ainsi mobilisable pour l’énergie correspondrait à 140 TWh/an en 2050. Plus aucune importation ou exportation de bois-énergie ne serait faite. La biomasse agricole serait autour de 120 TWh, sans aucune culture principale dédiée à une valorisation énergétique. Elle servirait principalement à des unités de méthanisation de taille modérée (100 à 110 TWh/an) et pour les biocarburants de seconde génération à destination de l’aéronautique (15 TWh/an).

Globalement, l’usage énergétique de la biomasse vu par le prisme de WWF est le plus faible de tous les scénarios actuels sur le sujet, en particulier ceux de l’Ademe et de l’Association négaWatt (cf. graphe Quantité d’énergie).

Quantité d’énergie (en TWh) issue de la biomasse dans les scénarios en 2050 (source WWF)

La gestion durable de la forêt prônée par le WWF pose néanmoins la question de l’impact environnemental de la collecte et de la combustion du bois-énergie. Une étude de l’Ademe publiée en janvier dernier a justement permis d’analyser cet aspect en se concentrant sur les chaufferies biomasse utilisées en collectif et dans l’industrie. En effet, même si le bois est une ressource renouvelable qui prend toute sa place dans des politiques d’économie circulaire, les émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre (GES) dues à ces chaufferies doivent être maintenues le plus bas possible.

Les chaufferies bois émettent moins de CO2 que celles au gaz fossile

Trois enseignements peuvent être tirés de cette étude. Premièrement, les enjeux de qualité de l’air sont bien traités si les valeurs limites d’émissions de particules et de NOx imposées par la directive européenne sont respectées. Cette réglementation, qui s’applique aux installations de 1 à 50 MW, conduit les professionnels à équiper leurs chaudières des meilleures technologies (réduction à la source dans les foyers de combustion, systèmes d’électrofiltre de filtre à manche pour les poussières, unité de condensation). Pour les installations de puissance inférieure à 1 MW, des efforts d’écoconception doivent être faits.

Ensuite, les émissions de GES de la filière bois-énergie collectif et industriel sont inférieures à celles des filières utilisant du gaz d’origine fossile. Selon différents scénarios de types de développement du bois-énergie en collectif et industriel, ces émissions varient entre 10,9 et 17,4 kgCO2éq par MWh thermique produit (cf. graphe Emissions de gaz à effet de serre), quand celles du gaz fossile sont entre 290 et 400 kg. Ce bon résultat est dû au fait que le CO2 d’origine biogénique est considéré comme neutre en carbone : le carbone relâché dans l’atmosphère lors de la combustion du bois est équivalent à celui stocké pendant la croissance des plantes. L’analyse du cycle de vie montre ainsi que les émissions de GES sont surtout dues aux autres aspects de l’activité de production de chaleur : sylviculture, transport, préparation du combustible, consommation d’énergie des chaudières, gestion des cendres.

Émissions de gaz à effet de serre (en kg CO2éq par MWh thermique produit) des filières bois-énergie avec l’hypothèse de neutralité carbone biogénique (source Ademe)

Enfin, l’étude de l’Ademe ouvre la voie à une meilleure compréhension des impacts d’une plus grande production de plaquettes forestières. Pour que le bilan GES de cette ressource en biomasse soit bon, la gestion sylvicole doit maintenir des pratiques favorisant le stockage de carbone : à court terme (30 ans), les plantations sur les terrains agricoles qui ne sont plus exploités (feuillus, résineux, taillis à courte rotation) sont les plus intéressantes ; à long terme (100 ans), la récolte de plaquettes sur des forêts existantes présente un bilan GES amélioré. Dans tous les cas il est bénéfique de favoriser des systèmes bois énergie croisés avec une production de bois matériau.

Chaque parcelle de forêt a des spécificités (stock de carbone initial, fertilité, productivité) dont il faut tenir compte. D’autres chercheurs pointent ainsi le besoin d’adapter les pratiques sylvicoles dans une optique plus large : il ne s’agit pas seulement de replanter des arbres, mais de le faire en rendant les forêts plus diversifiées, en adaptant leur densité aux ressources hydriques et en créant des zones protégées pour avoir la possibilité de déterminer quelles essences autochtones vont le mieux s’adapter au changement climatique sur le long terme.


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