Décryptage

Energies renouvelables : quand le PDG d’EDF oublie un pays modèle, le Portugal

Posté le 26 août 2016
par Pierre Thouverez
dans Énergie

Le PDG d’EDF « ne crois pas que les énergies renouvelables puissent représenter une part majoritaire de la production d'électricité avant plusieurs décennies ». Cette croyance est-elle fondée ?

« A part pour quelques pays peu peuplés et très bien dotés d’énergies renouvelables, comme l’Islande ou la Norvège avec l’hydraulique, je ne crois pas que les énergies renouvelables puissent représenter une part majoritaire de la production d’électricité avant plusieurs décennies ». C’est ce que déclare le 26 août 2016 Jean-Bernard Levy dans un entretien accordé au journal Les Echos signé Véronique Le Billon et David Barroux.

Contrairement à l’Islande et à la Norvège, le Portugal a la même densité de population que la France. Ce qui rend caduc le premier argument de Jean-Bernard Levy. De plus il dispose de ressources hydro-électriques au fil de l’eau modestes. Pourtant il répond aujourd’hui à la majorité de ses besoins grâce aux EnR. Comment est-ce possible ?

En 2005 seulement 16% de l’électricité de ce pays du littoral atlantique était renouvelable, un niveau aussi modeste que celui observé aujourd’hui en France. Le seuil des 50% a été franchit dès 2010. Soit seulement 5 ans après. La transition énergétique, quand on a vraiment la volonté de la réaliser, peut ainsi être très rapide. En 2014, le Portugal a atteint 63% d’EnR.

Le pays du fado a même répondu à 97% de sa demande pendant 4 jours consécutifs en mai 2016 (Lire sur Techniques de l’Ingénieur l’article : Le Portugal 100% renouvelable pendant 4 jours ?). La STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) d’Alqueva II, équipée par le français Alstom, a été inaugurée en 2013. Elle permet de stocker l’énergie électrique quand la ressource éolienne est abondante, et de la restituer quand elle est plus rare.

La France métropolitaine,  jouissant de trois façades maritimes, dispose d’un potentiel éolien très élevé. L’ADEME a d’ailleurs montré que l’hexagone peut répondre aux 2/3 de sa demande électrique avec l’énergie du vent. Jean Bernard Levy a-t-il également oublié cette donnée scientifique essentielle pour la qualité du débat énergétique ?

Le temps, c’est de l’argent. Le PDG d’EDF, manifestement, cherche à en gagner. Une transition rapide vers les EnR serait en effet nuisible à la rentabilité, déjà compromise par l’effondrement du prix de l’électricité sur le marché, des centrales nucléaires en place. Pourquoi ne pas dire clairement cette vérité  au lieu de chercher par tous les moyens à dénigrer les EnR ?

Même des îles isolées parviennent à présent à atteindre de très hauts niveaux d’éolien. La France, électriquement connectée à de nombreux pays, serait-elle incapable de faire aussi bien que le Portugal ou que la communauté isolée de Marble Bar et Nullagine en Australie qui répond à 60% de sa demande électrique annuelle grâce au solaire photovoltaïque ?  Ceci grâce à une approche intelligente mise au point par le géant helvético-suédois ABB et reposant  sur les volants d’inertie permettant de réguler à volonté tension et fréquence.

Le potentiel du solaire photovoltaïque en toiture (a lui seul) est de 400 TWh par an en France selon l’ADEME. Pays dont la demande électrique totale est d’environ 500 TWh par an. Le passage à un parc automobile 100% électrique n’induira qu’une hausse de 10 à 15% de cette demande.

Quand on veut, on peut.

Olivier Daniélo


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