Les excellentes propriétés de conduction électrique et thermique du graphite font de l’œil aux scientifiques depuis un moment. Et durant ces 40 dernières années, la recherche de films de graphite épais et à gros grains a particulièrement progressé. Habituellement, ces films utilisent un métal pour la catalyse, mais le graphite qui en résulte est souvent fortement ridé. Ceci s’explique par la différence de contraction thermique entre le substrat métallique et le film lors du refroidissement depuis les hautes températures nécessaires à la synthèse jusqu’à la température ambiante. Et qui dit rides, dit défauts et dégradation des propriétés tant vantées du graphite. Pour y remédier, une équipe de chercheurs menée par le directeur de l’Institute for Basic Science (Daejeon, Corée du Sud) Rodney S. Ruoff a testé de multiples configurations métalliques avant de trouver la plus optimale. Leur étude a été présentée dans le journal Nature Communications en date du 12 août 2025.
Le secret d’un bon film de graphite réside dans l’alliage
Les tests organisés par l’équipe de Rodney S. Ruoff ont porté sur de nombreux métaux : nickel, fer, molybdène, cobalt, palladium, vanadium et tungstène. À force de tentatives, les scientifiques ont fini par s’arrêter sur un alliage métallique Ni-Mo (nickel-molybdène) à 50-72 % de proportions respectives. Lors de leurs expérimentations, ils ont chauffé puis refroidi leurs matériaux à l’aide d’un système à effet Joule ayant l’avantage d’être rapide pour monter en température (d’environ 100°C par seconde) comme pour en descendre (12 secondes pour passer de 2 250°C à la température ambiante). Ce système leur a permis d’obtenir une fonte Ni-Mo très plate et lisse, dans laquelle s’est vu dissoudre du carbone qui a ensuite précipité en surface, formant le film de graphite à proprement parler. Ensuite, l’évaporation progressive du nickel a donné naissance à un substrat poreux entre métal et graphite. Un bon point puisque c’est justement à cette interface que l’on devait l’apparition de rides.
(b) Images au microscope électronique à transmission de la section de surface (deux premières images) et de la section transversale d’un film de graphite.
Crédits : Institute for Basic Science.
Pour récupérer leur invention, les chercheurs ont fait adhérer la surface du film à un ruban adhésif double face, lui-même relié à une plaque de quartz par de la colle époxy. Après un décollement en douceur du support métallique, l’ensemble a été trempé pendant 6 heures dans du tétrahydrofurane afin de dissoudre le ruban adhésif et retrouver uniquement le film de graphite. Le processus de synthèse est rapide, avec la formation de 6,2 couches de film de graphite à gros grains à chaque seconde. Soit une production plus de vingt fois plus rapide que les méthodes traditionnelles ! Les fameux grains, de l’ordre du millimètre, sont près de 10 000 fois plus imposants que ceux trouvés dans du graphite conventionnel. Et le film ne s’en porte pas plus mal, avec des conductivités électriques de 2,25.104 S.cm-1 à 300 K (26°C) et thermique de 2034,4 +/- 68 W.m-1.K-1 et une résistance à la fracture de 1,29 +/- 0,203 GPa. Le tout montrant une densité (2,25 g.cm-3) équivalente à celle d’un cristal de graphite (2,26 g.cm-3).
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