Décryptage

La sûreté nucléaire en France, au centre des débats

Posté le 18 avril 2011
par La rédaction
dans Environnement

Alors que la question du nucléaire continue de diviser l’Europe, et que l'opérateur de la centrale accidentée de Fukushima, Tepco, vient de présenter un plan de sortie de crise, Henri Proglio, président d’EDF, certifiait lundi dernier : « nos centrales sont en excellent état ». Une remarque qui n'a pas manqué de susciter la controverse sur la sûreté réelle ou présumée des réacteurs français et l'occasion, pour Instantanés Techniques, de faire l'état des lieux...

La conception des centrales nucléaires en France s’appuie sur le risque de catastrophes naturelles (crues, inondation, séisme, etc.), en fonction de l’historique de la zone concernée. Les centrales sont étudiées pour résister au risque sismique maximal constaté sur les 1 000 dernières années, augmenté d’une marge de sécurité. Un retour d’expérience est réalisé après chaque incident, et des modifications sont apportées aux centrales, quand cela s’avère nécessaire.

Plus que le risque sismique, c’est le risque d’inondation qui est considéré par les experts comme le plus probable en France.

L’incident de la centrale nucléaire du Blayais (Aquitaine), inondée par l’estuaire de la Gironde lors du passage de la tempête de décembre 1999, a montré que la France n’était pas bien préparée au déchaînement des éléments naturels. Un mètre d’eau supplémentaire au Blayais aurait pu nuire au refroidissement du réacteur, comme à Fukushima. 

André-Claude Lacoste, président de l’ASN (Autorité de Sûreté  Nucléaire) a d’ailleurs reconnu après l’accident de la centrale de Fukushima, que la France n’était pas préparée au « cumul » de catastrophes naturelles.

Cette année, l’ensemble du parc nucléaire français va faire l’objet d’un audit de l’ASN, qui se prononcera, fin 2011, sur l’état de sécurité des centrales françaises. Plusieurs centrales trentenaires seront à l’arrêt durant plusieurs mois, le temps d’une visite décennale, qui, si elle est positive, devrait prolonger leur durée de vie jusqu’à 40 ans.

Chez EDF, qui, rappelons-le est l’unique producteur d’électricité nucléaire dans l’Hexagone, le dernier incident de niveau 2 (sur une échelle de 7) a été déclaré le 16 février 2011, à la centrale du Tricastin (Drôme). Il concernait une faiblesse des groupes électrogènes diesel de secours. En décembre 2010, à l’issue d’un « réexamen de sûreté », l’ASN avait donné dix années supplémentaires au réacteur numéro 1 du Tricastin, qui devait pouvoir fonctionner jusqu’à 40 ans au total.

Le 1er février 2011, une anomalie a été détectée dans le système d’injection de sécurité de l’ensemble des 34 réacteurs de 900 MWe. Plus récemment, le 3 avril 2011, alors que le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) était dans une phase de montée en puissance après une opération de maintenance, un système de protection automatique a provoqué l’arrêt du réacteur à la suite d’une erreur de pilotage. Construite dans une zone sismique, la doyenne  alsacienne des centrales nucléaires (1977) concentre actuellement les inquiétudes des antinucléaires, qui demandent sa fermeture et l’organisation d’un référendum sur la sortie du nucléaire.

Jeudi prochain, EDF sera auditionné par l’ASN au sujet de son plan post-Fukushima. Dans son rapport annuel 2010, l’ASN affirmait que la sûreté des centrales EDF était « assez satisfaisante ».
 

Le parc nucléaire français

 

L’ASN

L’ASN assure, au nom de l’État, le contrôle des installations nucléaires françaises. Cet organisme définit, avec le ministère chargé de la sûreté nucléaire, la réglementation technique, et peut imposer des prescriptions aux exploitants pouvant aller jusqu’à la fermeture en cas de risque grave et imminent. L’ASN s’appuie notamment sur l’expertise de l’IRSN (‘Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire).

L’exploitant EDF doit transmettre systématiquement à l’ASN tout incident ou dysfonctionnement relevé sur le parc. L’ASN l’analyse et rend public son avis sur chaque incident, même le plus minime. L’ASN effectue également des visites inopinées sur l’ensemble du parc.

En juillet 2009, l’ASN avait donné un feu vert de principe à une prolongation jusqu’à 40 ans de l’exploitation des réacteurs de 900 mégawatts, les plus anciens, sous réserve d’une évaluation au cas par cas.

Les incidents français

Les deux plus graves accidents jamais signalés en France ont été classés au niveau 4 sur l’échelle des événements nucléaires et radiologiques (INES), qui en compte 7 (l’accident au Japon a été relevé au niveau 7 depuis le 12 avril 2011). Ils sont survenus dans la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) en octobre 1969 et en mars 1980 avec, dans les deux cas, un début de fusion des combustibles.

De nombreuses « anomalies » (niveau 1), voire des « incidents » (niveaux 2 et 3), sont en revanche signalés chaque année.

En 2009, l’IRSN a recensé 713 « événements significatifs pour la sûreté », en hausse de 14 % par rapport à 2008 et une augmentation quasi constante depuis 2005. Dans 85 % des cas, ils étaient liés à une erreur humaine.

Toujours en 2009, la France a recensé 699 incidents de niveau 0, 95 incidents de niveau 1 et un incident de niveau 2. Selon Greenpeace, ces incidents sont « souvent sous-évalués » et « parfois évités de justesse ».

 

Consulter la liste des avis d’incidents dans les installations nucléaires françaises déclarés à l’ASN
 

C.H.

 

Sources : Gooldplanet ; Le Figaro ; l’ASN ; Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

 

Déjà publié :

Un audit va être réalisé sur le parc nucléaire français

Une mini-centrale nucléaire sous-marine en 2017 ?

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