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La transition énergétique accélère dans deux directions opposées en 2024

Posté le 4 août 2025
par Nicolas LOUIS
dans Énergie

Selon l'Energy Institute, la transition énergétique mondiale montre un visage paradoxal sur l'année 2024. Les énergies renouvelables, en particulier le solaire et l'éolien, poursuivent leur essor, mais les émissions de CO₂ battent de nouveaux records. Au lieu de remplacer les énergies fossiles, les solutions bas carbone viennent s'ajouter à une consommation globale en hausse.

L’année 2024 aurait pu marquer un tournant décisif dans la lutte contre le dérèglement climatique. Au lieu de cela, la dernière édition de la revue statistique de l’énergie mondiale met en lumière un paradoxe saisissant : la croissance spectaculaire des énergies renouvelables n’a pas freiné l’expansion des énergies fossiles, bien au contraire. Dans sa quête d’une neutralité carbone, le monde ne change pas de cap, mais semble accélérer dans deux directions opposées.

Les énergies renouvelables, en particulier le solaire et l’éolien, ont poursuivi leur progression avec une forte hausse de 16 % l’an dernier. Elles fournissent désormais 15 % de la production électrique mondiale, contre 13 % en 2023. Le solaire domine nettement les nouvelles capacités installées, avec une croissance quatre fois supérieure à celle de l’éolien.

Mais ce progrès est loin de suffire, puisque les énergies fossiles progressent encore, de plus de 1 % en 2024. Le monde, en réalité, n’est pas encore dans une phase de substitution énergétique, mais plutôt d’addition avec l’essor des renouvelables qui vient s’ajouter à une consommation globale en hausse, au lieu de remplacer les sources carbonées.

La consommation mondiale d’énergie a en effet augmenté de 2 % l’an dernier, atteignant un niveau historique de 592 exajoules (EJ). La demande d’électricité, elle, a progressé deux fois plus vite (+4 %), illustrant une électrification croissante des usages à l’échelle mondiale. Cette dynamique s’inscrit dans une tendance de fond, puisque sur la dernière décennie, la production d’électricité a progressé en moyenne deux fois plus vite que la demande énergétique globale.

La Chine concentre à elle seule 57 % des nouvelles capacités d’énergies renouvelables installées en 2024. Ce pays abrite à présent près de la moitié des capacités solaires et éoliennes mondiales, et sa capacité de stockage par batteries a également explosé, représentant 60 % du total mondial. Mais ce rôle moteur est contrebalancé par un poids toujours massif du charbon (58 %) dans son mix électrique, en baisse relative puisque cette part représentait 70 % il y a dix ans.

Résultat : la Chine reste le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, responsable d’environ un tiers des émissions globales. L’Inde, de son côté, a vu sa consommation de charbon augmenter de 4 %, atteignant un niveau égal à celui des autres régions du monde combinées (hors Asie-Pacifique). Ces deux pays ont ensemble contribué à 62 % de la hausse mondiale des émissions en 2024.

La consommation de pétrole a atteint de nouveaux sommets en 2024

L’an dernier, le pétrole reste la principale source d’énergie mondiale, représentant 34 % de la demande globale. La consommation mondiale a franchi pour la première fois le seuil des 101 millions de barils par jour, avec une croissance notable en Afrique (+2,5 %) et au Moyen-Orient (+1,6 %). Quant au gaz naturel, il voit sa demande progresser de 2,5 %, atteignant 4 124 milliards de m³. La Chine se distingue ici aussi, assurant 56 % de sa demande par sa propre production, en forte hausse.

Le nucléaire progresse de 3 %, représentant désormais 5 % de la demande mondiale, porté par la remise en service de réacteurs en France et au Japon. Les biocarburants atteignent un record historique avec 2,2 millions de barils équivalent pétrole par jour, en hausse de 3 %. L’Inde et l’Indonésie concentrent 63 % de cette croissance, en revanche, l’Union européenne voit sa demande plonger de 11 %, en particulier à cause du biodiesel (le diesel et le gasoil conventionnel enregistrent une chute similaire).

Enfin, l’un des faits marquants de l’année reste l’explosion des capacités de stockage d’électricité par batteries, qui ont doublé en un an pour atteindre 126 GW. Ces systèmes deviennent un maillon essentiel de la flexibilité des réseaux, notamment dans les pays en transition rapide.

Malgré tous ces signaux positifs, les émissions de CO₂ liées à l’énergie ont augmenté de 1 % en 2024, atteignant 40,8 milliards de tonnes, un nouveau record. Il s’agit de la quatrième année consécutive de hausse. L’Europe et les États-Unis réussissent à contenir, voire à réduire leurs émissions, mais à un rythme insuffisant pour compenser la hausse en Asie.

Depuis 2010, les énergies bas carbone (renouvelables et nucléaire) ont malgré tout permis d’éviter 109 milliards de tonnes de CO₂, soit 2,5 fois les émissions annuelles actuelles. Mais cette tendance n’est pas suffisante et l’alignement des politiques énergétiques mondiales avec les objectifs climatiques demeure plus que jamais l’un des grands défis structurels de notre époque.


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