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Le crédit d’impôt recherche en quête de maturité

Posté le 23 août 2016
par Matthieu Combe
dans Entreprises et marchés

Le crédit d’impôt recherche ou CIR a pour objet d’encourager la recherche dans les entreprises. Ce dispositif leur permet de se voir rembourser une partie de leurs dépenses de recherche. Pour l'Etat, il fournit un moyen de soutenir l'innovation et renforcer la croissance économique sur le long terme.

Le crédit d’impôt recherche (CIR) permet de soutenir l’innovation sous plusieurs aspects. Il encourage la recherche et développement (R&D) dans les entreprises, développe les secteurs d’avenir et l’emploi hautement qualifié, soutient la réindustrialisation de la France, attire les entreprises étrangères grâce à un dispositif attrayant, multiplie les partenariats de recherche public-privé… Ce dispositif, égal à 30 % des dépenses de recherche inférieures ou égales à 100 millions d’euros, et à 5 % au-delà, s’applique à toute entreprise engageant de la R&D, quel que soit son secteur d’activité, sa taille et son organisation.

Avec un budget estimé à 5,53 milliards d’euros pour 2013, le CIR est la seconde dépense fiscale de l’Etat, derrière le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Le recours au contrôle est donc incontournable pour prévenir des abus et s’assurer que cette dépense fiscale remplit bien ses objectifs. Après quelques années de rectifications intensives suite à sa réforme de 2008, l’appropriation du dispositif par les entreprises semble être sur la bonne voie. C’est l’un des enseignements du 4e Observatoire du CIR élaboré par le cabinet de conseil ACIES Consulting Group et publié en décembre 2015.

Selon cet observatoire, le montant des rectifications du CIR, suite à un contrôle fiscal, a été multiplié par plus de 7 entre 2008 et 2013, pour atteindre un maximum de 271 M€. Ce montant est redescendu à 211 M€ en 2014.« Cette réduction traduit une meilleure maîtrise du dispositif par les entreprises et confirme la logique d’arrivée à maturité du dispositif après la réforme de 2008 », estime le cabinet de conseil spécialisé en Recherche et Innovation. Pour faciliter encore davantage la résolution des contentieux, un Comité consultatif est saisissable par un contribuable ou l’administration depuis le 1er juillet 2016. Son objectif : statuer sur la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du CIR.

Le CIR est-il réellement efficace ?

La question de l’efficacité du CIR a été posée par de nombreux rapports parlementaires et la Cour des Comptes. Par exemple, le rapport de Suzanne Berger de janvier 2016 relève que « la France dépense 0,37 % de son PIB en allègements d’impôts pour financer la R&D du secteur privé — ce qui la place en deuxième place, juste derrière la Corée du Sud ». Les conclusions notent plusieurs points positifs fournis par le CIR : il diminue le coût du travail du personnel en R&D et fournit de la trésorerie, sans attendre les bénéfices des travaux. Sans le CIR, la France risquerait de connaître « un exode massif d’entreprises et de départements R&D des industriels », notamment des grands groupes. Ce qui impacterait « profondément » les PME françaises, leurs principaux fournisseurs. Malgré sa complexité, le dispositif est toujours considéré comme essentiel au financement des projets de R&D par les entreprises.

Selon ce même rapport, « la France se classe au sixième ou septième rang mondial en matière de recherche (mesuré en fonction du nombre de publications scientifiques et de citations), mais se positionne entre la seizième et la vingtième place en matière d’innovation ». Le taux de R&D privé réalisé sur le territoire par des entreprises étrangères a continué de chuter de 21 % entre 2007 et 2015. Pendant ce temps, il a augmenté de 34 % aux Etats-Unis et de 15% en Allemagne. Le CIR ne suffit donc pas à attirer les entreprises étrangères en France.

Le dispositif est-il donc inefficace? En 2013, la Cour des comptes estimait que les dépenses en R&D des entreprises ne progressaient pas et que l’emploi dans la recherche privée avait même diminué de 11% entre 2008 et 2013. Au même moment, le montant du CIR était passé de 1,8 à 5,8 milliards d’euros par an. Un échec cuisant. Heureusement, la situation semble avoir été renversée. Le 4e Observatoire du CIR note qu’en 2013, les entreprises ont investi 5,96 milliards d’euros (Md€) de plus qu’en 2007 pour leur R&D. Sur cette même période, le CIR a augmenté de 3,66 Md€. « Le CIR s’accompagne ainsi d’une augmentation des dépenses de R&D des entreprises supérieure à sa propre croissance, selon un ratio de 1,20 en 2011, de 1,50 en 2012 et de 1,63 en 2013 », note le cabinet. Le dispositif serait ainsi de plus en plus efficace. « De 2011 à 2013, le CIR a augmenté de seulement 250 M€ alors que les dépenses des entreprises se sont accrues de 1,86 Md€ », précise le rapport. « Cette dynamique est un signe positif de l’efficacité du dispositif », se félicite le cabinet.

«En 2013, le CIR a soutenu plus de 21 000 entreprises, dont 90 % de PME. Plus de 160 000 chercheurs en entreprises sont concernés par le CIR, qui a accompagné l’embauche de plus de 33 000 chercheurs supplémentaires depuis 2008. Il s’agit d’une augmentation de 26 % des effectifs, soit la plus forte progression des pays européens ! », prévient l’Observatoire. Malgré ses imperfections et ses améliorations à étudier, l’efficacité du CIR n’est donc plus à démontrer !

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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