Décryptage

Le transporteur de gaz GRTgaz se projette dans un avenir sans gaz naturel…

Posté le 16 avril 2021
par Joël Spaes
dans Énergie

A l’aune des différentes mesures à l’encontre des combustibles fossiles et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, Thierry Trouvé, le directeur général du transporteur de gaz GRTgaz, a présenté le 7 avril 2021 la vision du système gazier français à l’horizon 2050. Un avenir qui intègre une réduction de la demande de gaz et le passage au gaz vert ou bas carbone.

Selon le responsable de GRTgaz, à l’horizon 2050, la consommation de gaz aura reculé d’un tiers environ, pour atteindre 300 TWh par an. En outre, à cette date, le gaz circulant dans les gazoducs sera largement différent du méthane fossile actuel, puisque ce dernier laissera sa place à du gaz vert ou bas carbone. Un tiers de ce « nouveau » gaz vert sera issu de la méthanisation, un tiers pourrait provenir de la gazéification (pyrogazéification ou gazéification hydrothermale) et le dernier tiers sera constitué d’hydrogène, lequel sera produit grâce à des énergies renouvelables électriques ou du nucléaire.

Dans le prolongement de la raison d’être, GRTgaz a bâti un nouveau projet d’entreprise appelé CAP24, qui porte les ambitions et les objectifs stratégiques de l’entreprise pour la période 2021-2024.

« Le projet CAP24 augure des transformations à venir au service d’un mix gazier 100 % neutre en carbone en 2050, principalement d’origine renouvelable », a insisté Thierry Trouvé. Et d’ajouter : « A cet horizon, pour un volume de consommation sensiblement inférieur, GRTgaz prépare un réseau de transport dual fondamentalement différent : la totalité du gaz transporté sera d’origine renouvelable ou bas carbone, et une partie des canalisations actuelles auront été reconverties et dédiées à l’hydrogène. »

Pleins feux sur l’hydrogène

L’hydrogène devrait avoir un impact sur le réseau gazier de transport actuel. Les études en cours pour tester la part de l’hydrogène capable d’être transporté mixé au méthane devrait affiner les besoins futurs de canalisations dédiées à l’hydrogène. GRTgaz estime ainsi que sur les 32 000 km de réseau qui devraient continuer de fonctionner, un peu plus d’un dixième sera consacré uniquement à l’hydrogène à un horizon 2050.

Jusqu’à présent, l’aspect logistique a très peu été pris en compte dans l’élaboration de la Stratégie hydrogène de la France, juge Thierry Trouvé. L’hydrogène devra cependant être acheminé dans les stockages et transporté jusqu’aux points de consommation. Il faudra aussi assurer la sécurité d’approvisionnement des clients et leur permettre de faire jouer la concurrence entre les fournisseurs, rappelle-t-il.

Le développement de l’hydrogène devrait se faire en « taches de léopard », indique GRTgaz, dans des zones comme les plates-formes industrielles qui mélangent production et consommation. A partir de ces pôles, de véritables « vallées » d’utilisation et distribution d’hydrogène pourraient se constituer.

C’est autour de ces changements que GRTgaz s’est doté de son projet d’entreprise CAP24 et d’une « raison d’être » : « Ensemble, rendre possible un avenir énergétique sûr, abordable et neutre pour le climat ». Un projet qui repose sur cinq axes : « Au service de l’intérêt général ; acteurs responsables ; convaincus que la transition énergétique passe par l’innovation ; porteurs de valeurs humanistes ; engagés avec nos parties prenantes ». Depuis les quatre dernières années, GRTgaz s’est particulièrement rapproché des collectivités territoriales.

Misant par ailleurs sur le développement des filières gaz renouvelables et hydrogène, GRTgaz prévoit de diminuer de 20 % ses émissions de CO2 et de diviser par 5 ses émissions de méthane d’ici à 2024. Le réseau poursuit ainsi sa transformation, avec un objectif à l’horizon 2050 : être un opérateur totalement neutre en carbone.

« La priorité a été mise sur la production et la décarbonation, c’est normal, rappelle le directeur général de GRTgaz. Mais il faudra compléter assez vite. La Commission européenne a déjà lancé des consultations sur ces sujets. Les Allemands et les Hollandais commencent à avancer leurs pions ».

Une dimension européenne

Ensuite, viendra la nécessité de raccorder les « hubs hydrogène » et surtout de transporter ce gaz entre les centres de production (l’Italie et l’Espagne se positionnant comme producteurs à partir de renouvelables) vers les grands centres de consommation (Allemagne, Pays- Bas, Belgique).

Depuis juillet 2020, 12 transporteurs d’hydrogène de 11 pays ont porté un projet de « dorsale européenne hydrogène », ou EHB (en initiales anglaises). L’initiative a présenté le 13 avril 2021 une version actualisée de sa vision relative au développement d’un réseau de transport d’hydrogène dédié à travers l’Europe. Le groupement prévoit pour 2040 un réseau d’hydrogène de 39 700 km reliant 21 pays européens, avec une croissance supplémentaire attendue au-delà de cette date. La vision présentée ce jour fait suite au précédent rapport EHB publié en juillet 2020, qui a initié les échanges sur ce sujet en Europe. Ce rapport initial développait la vision d’un réseau de 23 000 km connectant dix pays européens.

Dans ce cadre, 69 % des canalisations d’hydrogène proposées sont constituées d’infrastructures gazières existantes reconverties. Les 31 % restantes sont de nouvelles canalisations, requises afin de pouvoir raccorder les nouveaux consommateurs et sont situées dans des pays dont les réseaux gaziers existants sont de taille limitée, mais qui devraient néanmoins bénéficier de niveaux élevés d’approvisionnement et de demande d’hydrogène au cours des années à venir, précise un communiqué de l’entité.

Avec près de 40 000 km, la Dorsale envisagée d’ici à 2040 nécessite un coût total d’investissement estimé entre 43 et 81 milliards d’euros. L’investissement par kilomètre de canalisation est inférieur à celui estimé dans le rapport EHB de l’an dernier.

Résultats 2020 de GRTgaz

Malgré la crise sanitaire, le groupe GRTgaz (composé de GRTgaz France, GRTgaz Deutschland et Elengy) affiche des résultats 2020 conformes aux attentes : un chiffre d’affaires de 2 279 millions d’euros, stable par rapport à 2019, et un résultat net qui s’élève à 341 millions d’euros (contre 325 M€ en 2019). Les investissements groupe s’élèvent à 415 M€ en 2020, traduisant les enjeux actuels de l’entreprise (maintenance-sécurité des installations, transition énergétique et numérique, continuité d’approvisionnement).

Avec 32 500 km de canalisations en France, 641 TWh de gaz transporté, 28 stations de compression (dont 2 rebours en 2020) et 945 clients (expéditeurs, distributeurs, industriels et producteurs de biométhane), GRTgaz affirme en 2020 sa place de 2ème opérateur européen d’infrastructures gazières résolument tourné vers la transition énergétique.


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