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Les impulsions laser ultrabrèves vont-elles révolutionner la découpe du verre ?

Posté le 24 décembre 2019
par Sophie Hoguin
dans Innovations sectorielles

Des chercheurs de l’institut Femto-ST ont conçu une technique laser permettant la découpe de plaques de verre entre 1mm et 1cm en un seul passage et sans phase de sablage ou de polissage. Economie d’énergie et augmentation de la productivité potentielles à la clé.

Des chercheurs de l’institut Femto-ST (CNRS/Université de Franche-Comté/Université technique de Belfort-Montbéliard/ENSMM) ont façonné des impulsions laser ultrabrèves qui génèrent des faisceaux de Bessel à ultra-haut rapport de forme. Leur système crée un faisceau laser de très haute énergie (jusqu’au niveau du Joule) extrêmement focalisé de 8 mm de long pour quelques centaines de nanomètres de diamètre. Un ratio dix à cent fois plus important que l’état de l’art. Testés sur la découpe de plaques de verre épaisses (entre 1mm et 1cm) par la méthode du « Stealth dicing », leurs travaux publiés dans la revue  Applied Physics Letters, permettent aussi d’envisager de nombreuses autres applications industrielles ou de recherche, y compris une amélioration des techniques lasers utilisées dans les accélérateurs de particules.

En attente de progrès

L’industrie du verre cherche aujourd’hui de nouveaux procédés d’usinage du verre qui offriraient à la fois des rendements élevés, une très grande précision et des coûts de production (investissement machine et investissement énergétique) plus faibles que ceux existants. Les applications sont extrêmement nombreuses, que ce soit pour la fabrication de composants électroniques (LEDs), d’écrans de smartphone, de verres de montre que pour des dispositifs pharmaceutiques ou médicaux, ou encore pour l’industrie automobile ou la construction.

Actuellement, les utilisations des lasers pour la découpe du verre sont réservées à des épaisseurs inférieures au millimètre car on ne dispose pas d’une maîtrise suffisante pour les faire pénétrer plus avant dans la matière de manière contrôlée. Au-delà, la découpe se fait généralement au diamant. Mais cette dernière technique est très énergivore et nécessite des post-traitements : sablage et/ou polissage. En outre, la découpe mécanique ou avec certains lasers conventionnels peut être à l’origine d’altérations des propriétés mécaniques ou optiques recherchées.

L’enjeu de la mise en forme des lasers

En vue de pallier ces inconvénients, on a développé la méthode du stealth dicing basée sur les impulsions lasers ultrabrèves. Cette méthode consiste à percer une série de canaux qui suivent la ligne de découpe souhaitée. En appliquant une force mécanique, on induit ensuite une faille qui se propage le long de la série de canaux. Cette méthode permet à la fois une découpe propre, en un seul passage, à des cadences compatibles avec des applications industrielles rentables. En effet, les impulsions lasers ultrabrèves utilisées permettent de créer plusieurs centaines de milliers de canaux par seconde.

Mais attention, pour atteindre ce résultat, il faut mettre en forme ces impulsions lasers. A ce jour, la maîtrise de ce perçage est principalement obtenue en générant des faisceaux de Bessel lors de la mise en forme de ces impulsions. C’est aussi ce qu’a réalisé l’équipe du Pr. Rémi Meyer dans les travaux évoqués ici. Leur technique permet de passer un cap en matière de puissance et de précision jusqu’ici inégalée.

Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet européen ERC Pulsar « Contrôle des plasmas pour l’usinage par impulsion Ultrabrèves » mené par l’institut Femto-ST et qui vise justement à passer les barrières de l’usinage laser en contrôlant la génération du plasma, son confinement et sa stabilité. Ce projet est doté d’un budget de 2M€ sur 2016-2021.

Photographie d’une plaque de verre après découpe laser, superposée avec l’image du faisceau femtoseconde à ultra-haut rapport de forme.
© Rémi Meyer, Femto-ST, CNRS


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