Décryptage

Les plantes obtenues par mutagenèse sont des OGM

Posté le 17 août 2018
par Matthieu Combe
dans Chimie et Biotech

Après une longue procédure entamée il y a plus de 4 ans par 9 associations françaises, la Cour de Justice de l'Union européenne rend son avis sur les « nouveaux OGM » obtenus par mutagenèse. Ils devront se conformer à la législation européenne existante, comme les OGM traditionnels obtenus par transgenèse.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE ) a donné raison à la Confédération paysanne et à huit autres associations le 25 juillet dernier. « Les organismes obtenus par mutagenèse constituent des OGM et sont, en principe, soumis aux obligations prévues par la directive sur les OGM », conclut l’arrêt de l’instance juridique. La Cour estime que les risques liés à ces nouvelles techniques  « pourraient s’avérer analogues » à ceux des OGM traditionnels. Par ailleurs ces nouvelles techniques permettent de produire des OGM « à un rythme et dans des proportions sans commune mesure avec ceux résultant de l’application de méthodes traditionnelles de mutagenèse ».

Seules les techniques traditionnelles développées avant l’adoption de la directive sur les OGM « et dont la sécurité est avérée depuis longtemps » sont exclues de son champs d’application. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils peuvent être librement disséminés. « Les États sont libres de légiférer dans ce domaine dans le respect du droit de l’Union, en particulier des règles relatives à la libre circulation des marchandises », précise l’arrêt. Reste à savoir si les instances décisionnelles suivront cet avis de la CJUE.

Des réactions contrastées

La confédération paysanne et les huit autres requérants saluent « une victoire ». Elles « appellent l’Union européenne et le gouvernement français à appliquer strictement cette décision ». Cela revient notamment à « suspendre immédiatement la culture des variétés rendues tolérantes aux herbicides » et « financer des programmes de recherche afin d’identifier les techniques utilisées ». Pour sa part, le Gouvernement « salue cette clarification attendue » qui crée « un cadre harmonisé à l’échelle européenne afin de protéger les consommateurs et l’environnement, dans le respect du principe de précaution ».

En revanche, la FNSEA et quatre autres syndicats agricoles y voient « un bien mauvais signal ». « L’application systématique de la Directive OGM à l’ensemble des outils modernes de sélection variétale est de nature à isoler l’Europe de toute innovation en la matière », dénoncent-ils. « Une agriculture en panne d’innovation variétale ne pourra relever l’ampleur des défis climatiques et environnementaux », estiment-ils.

Pour l’Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV), réduire l’usage des pesticides dans le cadre du plan Ecophyto requiert « des nouvelles variétés de plantes plus vertes, c’est à dire génétiquement résistantes aux maladies et aux prédateurs de toutes sortes ». Elle prédit « des années très noires » pour l’avenir des agriculteurs européens « si ce renoncement était confirmé par l’U.E ». Et ce d’autant plus que contrairement à ce qu’annonce la CJUE, l’AFBV estime qu’« aucun risque potentiel n’a été identifié » sur les OGM obtenus par transgenèse, encore moins sur ceux obtenus par mutagenèse.

Les nouvelles techniques de mutagenèse n’existaient pas lorsque les réglementations européennes et françaises sur les OGM ont été adoptées. Plutôt que d’introduire un gène étranger dans la plante, ces techniques induisent des mutations ciblées à l’échelle moléculaire directement dans le génome de la plante pour lui fournir la propriété recherchée. Il est ainsi possible de faire muter un gène en modifiant un faible nombre de nucléotides, moduler l’expression d’un gène, activer ou désactiver des gènes. Certaines ont même permis de développer des variétés de semences résistantes à des herbicides, tout comme des OGM obtenus par transgenèse.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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