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Optimiser le spectre solaire grâce à des films maraîchers

Posté le 31 janvier 2020
par Nicolas LOUIS
dans Chimie et Biotech

Afin de favoriser la photosynthèse, des substances optiquement actives sont incorporées dans des films plastiques et ont la capacité de modifier certaines longueurs d’onde du rayonnement solaire. Des essais confirment l'efficacité de ce procédé technologique sur les plantes.

Des films plastiques roses capables d’améliorer les rendements et la qualité des cultures sous abris, tel est l’aboutissement d’un projet mené par la société Cascade, en collaboration avec l’IRHS (Institut de recherche en horticulture et semences) et l’IMMM (Institut des molécules et des matériaux du Mans). A l’origine de ce matériau adapté aux cultures maraîchères, une spécificité des plantes lorsqu’elles captent l’énergie lumineuse pour produire des métabolites carbonés. «Au moment de la photosynthèse, les végétaux absorbent préférentiellement certaines longueurs d’onde du spectre solaire tels que le bleu et le rouge, explique Soulaiman Sakr, enseignant-chercheur à Agrocampus Ouest. A l’inverse, d’autres sont peu utiles à la plante comme le vert, voire néfastes comme les ultra-violets».

Des substances optiquement actives ont donc été incorporées dans les films traditionnels. Classées dans la catégorie des fluorophores et aux propriétés fluorescentes, elles ont la capacité d’absorber le vert pour le convertir dans le rouge, tandis que l’ultra-violet est transformé en bleu. «Nous ne pouvons pas en dévoiler davantage sur notre technologie que nous avons brevetée» confie Séverine Lemarié, Ingénieur R&D Agronome à la société Cascade.

Des fruits plus sucrés et une maturité avancée

Plusieurs essais menés dans des stations d’expérimentation et chez des producteurs ont validé le procédé et son efficacité. Le premier a débuté en 2013 sur le melon en France puis en Espagne et au Maroc. « Sur une période de 6 ans, nous avons constaté, en moyenne, une augmentation du rendement de 7 à 10% comparé aux melons cultivés sous films plastiques traditionnels », déclare Soulaiman Sakr. « Ces fruits se sont aussi révélés être plus sucrés et sont arrivés à maturité quelques jours avant les autres. Les bénéfices sont d’autant plus importants que les conditions de production ne sont pas optimales, comme par exemple face à un manque d’ensoleillement ». Seul bémol, les fluorophores introduits dans le plastique perdent leurs propriétés après une année d’utilisation sous l’effet des facteurs environnementaux. Une contrainte mineure puisque les producteurs de melon n’utilisent pas plus d’une année les films traditionnels car ils ont l’habitude de les percer de trous au fur et à mesure de l’avancée de la saison.

Pour chaque culture, une nouvelle formulation à base d’additifs est développée et incorporée aux films pour s’adapter aux spécificités de la plante. Lors d’essais conduits en France sur la pomme de terre primeur, de 2016 à 2018, un gain de rendement moyen de 9% a été observé ainsi qu’une croissance végétative plus rapide permettant une récolte avancée d’une semaine. Et grâce aux travaux de recherche, la durée d’utilisation des films s’est prolongée pour cette culture. «Ils sont 100% efficaces jusqu’à la fin de la première saison puis commencent à perdre en efficacité sans que nous ayons encore mesuré précisément le degré», complète Séverine Lemarié. «La 3ème année, les propriétés deviennent inactives mais le film peut être utilisé comme une protection traditionnelle».

/ société Cascade

Des recherches étendues à l’Italie et l’Amérique du Sud

Commercialisés depuis 2018, la société Cascade conçoit les additifs capables d’agir sur les longueurs d’onde puis les vend à des fabricants de films plastiques qui les incorporent aux films traditionnels par un procédé d’extrusion. L’entreprise annonce un surcoût compris entre 2 à 3% de la valeur de la culture. «Pour des melons dont le produit par hectare est d’environ 20 000 euros, la dépense supplémentaire est d’environ 400 €» ajoute Séverine Lemarié. Dans le passé, d’autres sociétés ont commercialisé des films capables d’agir sur le spectre solaire. «Le procédé n’était pas le même. Ils fonctionnaient grâce à un système de filtre qui abaissait l’ensemble des longueurs d’onde. Ils se sont révélés trop chers et ont progressivement disparu. Notre technologie fonctionne par conversion du spectre solaire» précise Séverine Lemarié.

Le projet de recherche va se prolonger jusqu’en 2022. L’objectif sera de mieux mesurer l’impact de ces films sur la qualité sanitaire des plantes ainsi que de définir les besoins en intrants, en eau et minéraux en conditions d’utilisation. Des essais doivent aussi s’étendre en Italie et en Amérique du Sud. «Cela fait plus de 5 ans que nous travaillons sur ces films, nous avons suffisamment de recul pour savoir dans quelles conditions ils sont les plus efficaces. Nous sommes satisfaits car l’augmentation des rendements n’est pas réalisée au détriment de la qualité. Nous souhaitons à présent concevoir un modèle pour prédire les résultats» conclut  Soulaiman Sakr.

Crédits photo de Une : société Cascade


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