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Par Neptune, le noyau d’une planète se montre à nu !

Posté le 21 juillet 2020
par Sophie Hoguin
dans Innovations sectorielles

Une étrange planète a été découverte dans un « désert des Neptunes chauds » : TOI-849b, non seulement ne devrait pas se trouver là, elle est trop grande et trop dense, mais en plus, elle n’a pas d’atmosphère… Si bien que son noyau est à nu. Une occasion unique d’en observer un directement !

Connaître vraiment les noyaux des planètes est une quête compliquée : enfouis sous plusieurs couches de roches dures ou en fusion ou alors cachés par des atmosphères gazeuses de plusieurs kilomètres d’épaisseur, ils sont presque inaccessibles aux moyens d’observation et de mesure des scientifiques… C’est pourquoi la découverte de TOI-849b est tellement extraordinaire.

Cette géante gazeuse, située à quelques 730 années-lumière de la Terre, orbite autour d’une étoile semblable au Soleil. Mais elle est si proche de lui qu’elle en fait le tour en 18 heures (au lieu de nos 365 jours) et la température de sa surface atteint les 1500°C. Elle est donc située dans ce que les astronomes désignent sous le nom de « désert des Neptunes chauds ». Une région à proximité des étoiles, où les planètes font le tour de leur étoile en seulement quelques jours ou moins et où il est peu probable de trouver des planètes de densité intermédiaire (comprise entre celle des planètes rocheuses comme la Terre mais sans atmosphère et celle des planètes avec une atmosphère très étendue comme Jupiter). La découverte de TOI-849b suit celle de NGTS-4b, présentée l’année dernière, et qui était déjà une anomalie : cette mini-Neptune était trop grosse pour se trouver là. Les hypothèses à son sujet étaient que soit elle venait de migrer près de son étoile (moins d’un million d’années auparavant), soit elle était autrefois beaucoup plus grosse et n’avait pas fini de perdre son atmosphère.

Les télescopes de NGTS, qui permettent de détecter les transits de planètes devant une étoile. Crédit photo : ESO/R. West

Une planète vraiment singulière

Publiées dans la revue Nature, les premières données et la découverte de TOI-849b sont le fruit d’une équipe d’astronomes internationale menée par l’Université de Warwick (Royaume-Uni). TOI-849b a été détectée par le satellite de la Nasa, TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite), qui utilise la méthode des transits – il détecte les éclipses provoquées par le passage des planètes devant leur étoile. Quand un tel signal est détecté, les astronomes utilisent ensuite d’autres outils d’observation pour le confirmer et le compléter. Pour TOI-849b, ce travail a été effectué par les douze télescopes de NGTS (Next-Generation Transit Survey), un ensemble de télescopes basés à l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili et par ESO HARPS, un instrument qui évalue la masse des exoplanètes via l’influence gravitationnelle de la planète sur son étoile.

Et les données ont étonné les chercheurs : bien que son rayon soit un peu plus petit que celui de Neptune, la masse de cette planète, elle, est deux à trois fois supérieure. Ce qui lui confère une densité exceptionnelle. Les chercheurs ont donc émis deux hypothèses : soit c’est une géante gazeuse telle Jupiter qui a été dépouillée de son atmosphère, soufflée par les radiations de son étoile, soit elle n’a pas réussi à en former une au début de sa vie. En effet, on s’attend à ce qu’une planète de cette masse ait accumulé de grandes quantités d’hydrogène et d’hélium dans son atmosphère lors de sa formation, se transformant en quelque chose de similaire à Jupiter. « Le fait que nous ne voyons pas ces gaz suggère qu’il s’agit d’un noyau planétaire mis à nu, explique Stéphane Udry, astronome professeur au département d’astronomie de l’UNIGE (Université de Genève) et co-auteur de l’étude. C’est la première fois que nous découvrons un noyau intact d’une géante gazeuse autour d’une étoile ». Cette fenêtre ouverte sur la composition des noyaux de géantes gazeuses est aujourd’hui unique. Mais il faudra encore beaucoup de temps avant d’en savoir un peu plus : les outils nécessaires sont récents ou même seulement en projet !

Patience et longueurs de temps…

L’étude des exoplanètes est un travail minutieux et où la plupart des données sont indirectes. Ainsi, nous explique Stéphane Udry, « la caractérisation d’une exoplanète reste très difficile car, à part pour quelques cas très massifs, on ne les voit pas. Seule une partie des exoplanètes connues ont une mesure de masse et de rayon. En effet, la masse est estimée via le changement de vitesse de l’étoile centrale induit par la perturbation gravitationnelle de la planète. La précision nécessaire ne peut être atteinte que quand les étoiles hôtes sont brillantes (proches de nous) et ont des caractéristiques physiques favorables (faible rotation, pas trop chaudes, etc.). Et leur rayon est mesuré en cas d’éclipses (transits) quand une partie de la lumière de l’étoile est cachée par la planète qui passe devant le disque stellaire. Cela n’arrive que dans des configurations particulières, avec l’étoile, la planète et l’observateur presque parfaitement alignés. »

Pour TOI-849b, pour aller plus loin dans sa caractérisation (chimique), il faut donc encore réussir à récolter des données supplémentaires. Et là, il faut des outils d’une extrême précision pour séparer les signaux émis par l’étoile et ceux de la planète. Des instruments et des méthodes encore très récents ou à l’étude sont nécessaires, nous précise Stéphane Udry. « Pour l’imagerie directe, explique-t-il, nous utilisons les télescopes géants comme l’ELT de 39m de l’ESO allié à des systèmes permettant de limiter au maximum les perturbations de l’atmosphère terrestre et de distinguer les signaux de l’étoile et de la planète pour cacher ensuite ceux de l’étoile. On commence tout juste à l’utiliser sur des géantes gazeuses. Pour les planètes plus petites comme les mini-Neptunes (planètes entre 2-3 et une quinzaine de masses terrestres possédant une atmosphère étendue) ou les superterres (planètes entre 2-3 et une quinzaine de masses terrestres mais sans une atmosphère étendue), il faudra attendre au moins une dizaine d’années pour que l’instrumentation soit développée ». L’autre moyen de scruter ces exoplanètes, est de scruter la lumière de l’étoile modifiée par l’atmosphère de la planète. L’effet, bien que minime peut être mesuré par une analyse à haute résolution spectrale (spectroscopie de transmission). « Cette approche a été démontrée pour les planètes géantes gazeuses avec le spectrographe HARPS sur le 3.6m de l’ESO, détaille l’astronome. Elle est maintenant poussée au niveau supérieur avec le spectrographe ESPRESSO installé fin 2017 sur les VLT à Paranal (ESO) et devrait atteindre son efficacité maximum avec l’instrument HiRES (High resolution spectrograph) sur l’ELT vers la fin de la décennie. Pour le moment, quelques Neptune gazeux ont pu être étudiés avec le télescope spatial Hubble et les spectrographes à haute résolution au sol. Dans le cas où l’atmosphère est ténue (planètes terrestres et cœurs à nu comme TOI-849 b), les mesures sont encore beaucoup plus difficiles, mais seront très certainement essayées, aujourd’hui avec ESPRESSO ou Hubble et demain avec HiRES/ELT et le JWST – Jame Webb Space Telescope (télescope spatial notamment spécialisé dans l’astronomie de l’infrarouge) et dont le lancement est prévu en 2021 ».

L’instrument ESPRESSO, pour une spectrographie encore plus fine. Crédit photo : Université de Genève

A terme, d’ambitieux projets souhaitent coupler les techniques d’imagerie directe et de spectroscopie de transmission pour affiner encore les signatures des planètes.


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