À l’issue d’une COP30 marquée par l’absence de décisions structurantes, une initiative internationale voit le jour pour replacer la physique et l’ingénierie au cœur de l’action climatique. Le TerraWater Institute et l’association Les Voix du Nucléaire lancent un appel mondial qui ambitionne de réorienter la lutte contre le réchauffement vers des fondements techniques plutôt que politiques. Après trente années de conférences, les constats sont sans appel. Les émissions globales n’ont toujours pas atteint leur pic et l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 degré est désormais hors de portée. À peine plus de 2 % de l’énergie mondiale ont réellement basculé vers des sources bas carbone. La situation n’est plus liée à un manque d’intention mais à un mauvais choix de solutions, comme le soulignent les deux organisations dans leur appel inaugural.
Cette nouvelle mobilisation se présente comme une réponse directe à une impasse qui ne cesse de se prolonger. Selon les signataires, le diagnostic climatique s’est appuyé sur la science, mais les décisions sont restées enfermées dans des arbitrages politiques. Cette dissociation explique en partie les retards accumulés, l’incohérence des stratégies nationales et une focalisation sur des approches partielles qui ne permettent ni de réduire suffisamment l’usage des combustibles fossiles ni d’assurer une transition équitable pour l’ensemble des pays. Les impacts climatiques s’intensifient tandis que la préoccupation climatique décline dans plusieurs régions du monde, un paradoxe qui renforce l’urgence d’une réorientation profonde des priorités.
L’initiative présentée à l’issue de la COP30 s’articule autour d’une série d’appels internationaux qui seront publiés d’ici la COP31. Le premier, intitulé Let’s Be Technical – For Climate Justice, pose les fondations d’une démarche centrée sur les réalités physiques des systèmes énergétiques. Il rappelle que seules quatre sources d’énergie peuvent remplacer les combustibles fossiles, qu’il s’agisse du charbon, du pétrole ou du gaz. Le nucléaire, l’hydroélectricité, l’éolien et le solaire constituent les seules alternatives capables de produire de l’électricité sans émissions massives de dioxyde de carbone. Chacune présente toutefois des limites structurelles que les politiques doivent intégrer pour élaborer des stratégies réalistes.
Le nucléaire offre un taux de décarbonation élevé mais nécessite des investissements financiers, humains et industriels importants, ainsi qu’un temps long de déploiement. L’hydroélectricité dépend des configurations géographiques et ne peut être déployée partout ni à grande échelle. L’éolien et le solaire se distinguent par leur flexibilité et leur capacité d’installation rapide dans de nombreuses régions du monde. Leur production dépend toutefois de ressources naturelles limitées, de capacités industrielles insuffisantes et de matières premières qui entrent en concurrence avec d’autres usages essentiels. Leur contribution demeure indispensable, puisque chaque heure produite se substitue directement à une heure issue de combustibles fossiles dans les pays qui en dépendent.
L’appel met en avant un principe de justice climatique. Les pays qui disposent des moyens techniques et financiers pour développer le nucléaire ou l’hydroélectricité ont la responsabilité de le faire. En mobilisant pleinement leurs propres solutions bas carbone, ils libèrent les ressources nécessaires à l’éolien et au solaire pour les États qui n’ont pas d’autres options. Dans de nombreuses régions du monde, ces deux technologies constituent en effet les seules alternatives pour réduire l’usage du charbon ou du pétrole. Le document souligne que certains pays riches monopolisent aujourd’hui une part disproportionnée des équipements solaires et éoliens, privant d’autres nations de la possibilité de réduire leurs émissions dans des conditions équitables.
Pour TerraWater et Les Voix du Nucléaire, la transformation du cadre des COP constitue un enjeu essentiel. Le mécanisme actuel résulte d’une articulation entre expertise scientifique et prise de décision politique, mais l’équilibre entre les deux sphères s’est progressivement distordu. Les organisations estiment que la lutte climatique s’est excessivement politisée, au point de produire des stratégies incomplètes ou contradictoires, alors même que des solutions techniques étaient disponibles depuis longtemps. Elles appellent à une refondation ambitieuse, basée sur la physique, la chimie et l’ingénierie des systèmes énergétiques, disciplines qui décrivent précisément la nature du problème et les leviers permettant de le résoudre.
Cette démarche affiche une double exigence de justice climatique géographique et générationnelle. L’accès aux ressources énergétiques bas carbone, la capacité à financer des infrastructures lourdes et la possibilité de réduire rapidement les émissions varient fortement selon les pays. Les générations futures subiront quant à elles les conséquences des décisions actuelles. Selon les deux organisations, seule une approche rationnelle, collective et fondée sur la vérification scientifique permettra de respecter les contraintes physiques de la transition tout en assurant une répartition équitable des efforts et des bénéfices.
En lançant cet appel, le TerraWater Institute et Les Voix du Nucléaire invitent citoyens, ONG, scientifiques et gouvernements à se rallier à cette dynamique. L’objectif est de préparer une COP31 qui inaugure une nouvelle décennie d’action, structurée par l’expérience technique accumulée et par une compréhension renouvelée des priorités. Il s’agit de sortir enfin des combustibles fossiles à un rythme compatible avec la réalité physique du système énergétique mondial, tout en assurant que cette transition serve un idéal de justice et de solidarité internationale.
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