Les entreprises ont eu des paillettes dans les yeux, mais le réveil est douloureux. L’IA, et en particulier l’IA générative, apparaît comme extrêmement prometteuse aux yeux des décideurs. Mais les résultats en termes de business laissent à désirer. Les réflexions des professionnels ont-elles été un peu trop influencées par le discours marketing des éditeurs de solutions d’IA ?
Il y a de fortes chances, mais il y a aussi un manque flagrant de maturité et un « déficit d’apprentissage » organisationnel et technique. C’est la conclusion du rapport « GenAI Divide : State of AI in Business 2025 » publié par l’initiative NANDA du Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Cette étude constate un écart énorme entre les quelques entreprises qui réussissent à générer une croissance rapide de celles dont les projets pilotes n’ont qu’un impact insignifiant sur leurs revenus.
Aditya Challapally, auteur principal du rapport, est catégorique : l’échec ne réside pas dans la qualité des modèles d’IA. En fait, la majorité des entreprises commettent la même erreur stratégique : elles se concentrent sur le « quoi » (le choix du modèle d’IA) au détriment du « comment » (l’interfaçage avec les systèmes existants et les flux de travail des salariés).
L’intégration dans un environnement opérationnel est négligée, rendant même les outils d’IA les plus sophistiqués inefficaces pour les utilisateurs finaux. Les outils génériques comme ChatGPT, performants pour un usage personnel ou professionnel (mais trop pointu), peinent notamment à s’adapter aux complexités de l’entreprise.
Immaturité stratégique
Les entreprises qui arrivent à tirer profit de la GenAI affichent une approche avec une « efficacité chirurgicale ». Ce sont souvent de jeunes start-ups qui réussissent à cibler un « point faible » précis, qu’elles attaquent efficacement, passant parfois de zéro à 20 millions de dollars de revenus en un an.
Leur réussite souligne que la valeur est créée par une application ciblée et une intégration fluide, plutôt que par une révolution globale. En un mot, il ne faut pas croire que l’IA est efficace dans tous les domaines.
Le problème est aussi lié à une immaturité stratégique généralisée. Selon le cabinet McKinsey, seul 1 % des chefs d’entreprise se considèrent ainsi comme véritablement matures en matière d’IA. Cette faiblesse explique l’avertissement d’un autre cabinet d’analystes, Gartner. Il anticipe l’annulation de plus de 40 % des projets d’IA agentique d’ici 2027. La pérennité exige que l’adoption audacieuse soit encadrée par des garde-fous rigoureux (éthiques et procéduraux).
Par ailleurs, l’étude du MIT révèle un déséquilibre dans l’allocation des budgets : plus de la moitié est consacrée au marketing et aux ventes, alors que le meilleur retour sur investissement est constaté dans l’automatisation des services administratifs.
Cette automatisation, bien que moins glamour, rationalise les opérations et réduit l’externalisation. Sur le plan de la stratégie d’adoption, l’achat d’outils auprès de fournisseurs spécialisés (67 % de succès) s’avère nettement plus efficace que le développement de systèmes en interne (un tiers de succès).
Ces difficultés ne sont pas propres uniquement aux États-Unis. En Europe, un rapport d’Accenture montre que 56 % des grandes entreprises n’ont pas encore déployé l’IA à grande échelle (64 % en France).
Cette incapacité à « passer à l’échelle » freine la compétitivité. Enfin, une enquête de Bpifrance met en lumière le paradoxe des PME/ETI françaises : si 58 % des dirigeants voient l’IA comme un enjeu de survie, seules 32 % l’utilisent réellement, révélant un blocage d’adoption lié au manque de financement et à l’aversion au risque.
En définitive, si la GenAI est prête pour l’entreprise, l’entreprise, elle, ne semble pas encore prête pour la GenAI.
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