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Trois technologies pour aider les nageurs de l’équipe de France avant les JO 2024

Posté le 9 février 2023
par Nicolas LOUIS
dans Innovations sectorielles

Avec l'appui de la Fédération Française de Natation, le TechnoSport d’Aix-Marseille Université développe trois nouveaux outils de mesure de la performance des nageurs. Ils seront utilisés, entre autres, durant les entraînements de l'équipe de France de natation dans le cadre de la préparation aux JO 2024.

Dans le sport de haut niveau, et en particulier ceux chronométrés, l’apport de la data prend une place de plus en plus importante pour aider les athlètes à repousser les limites de leurs performances. La natation n’y échappe pas, sauf que ce sport est confronté à une difficulté majeure. Autant sur terre, il est possible de récupérer des données physiologiques, techniques et biomécaniques des sportifs relativement facilement, dans une piscine, beaucoup moins. La raison principale : l’eau constitue un obstacle à la transmission des informations. Pour surmonter cette difficulté, le TechnoSport d’Aix-Marseille Université développe trois nouvelles technologies de mesure de la performance des nageurs. Ce travail est réalisé en partenariat avec la Fédération Française de Natation (FFN), avec en ligne de mire les JO 2024.

Le premier outil est une plateforme immergée dont la fonction est la mesure de la force de propulsion que doivent exercer les nageurs lorsqu’ils prennent appui avec leurs pieds contre le mur du bassin pour effectuer leur virage, afin de repartir dans l’autre sens. Un passage délicat où des centièmes de seconde peuvent se gagner ou se perdre. Un instrument existe déjà, sauf qu’il coûte environ 250 000 euros et ne s’adapte pas à toutes les piscines.

« Nous avons détourné des capteurs utilisés dans l’industrie agroalimentaire et nous les avons fixés sur une plaque en carbone, afin de fabriquer un nouvel outil plus léger, qui soit facilement transportable, confie Arnaud Hays, Ingénieur de recherche à Aix-Marseille Université. Nous avons aussi conçu un système pour qu’il se fixe sur le rebord des bassins sans faire de trou. Quant à la problématique liée à la sécurité, elle a été résolue à l’aide d’une alimentation électrique basse tension. Pour l’exploitation des données, il existe très peu d’études dans la littérature scientifique, et nous avons été confrontés au fait que les athlètes de haut niveau sont peu nombreux pour réaliser du traitement statistique. Malgré tout, nous sommes parvenus à les exploiter. »

Calculer la vitesse des nageurs, après le virage

Après plusieurs essais concluants, un premier prototype va être mis à la disposition du Cercle des Nageurs de Marseille (CNM), un club local emblématique et référence de la natation française. Et grâce à l’aide de la FFN, il va être dupliqué en trois ou quatre exemplaires afin que les équipes de France s’entraînent dans les autres grands centres d’entraînement. Mais ce nouvel instrument ne sera pas suffisant pour évaluer la performance des nageurs lors de leur virage, car encore faut-il être en mesure de calculer leur vitesse sur les premiers mètres après ce passage. Le chronomètre à la main n’est pas assez précis, tandis que l’utilisation d’une caméra aquatique n’est pas un outil adapté pour être utilisé en direct lors de l’entraînement des athlètes.

Une porte chronométrée a donc été développée en collaboration avec le laboratoire LP3 (Lasers, Plasmas et Procédés Photoniques). L’outil, disposé dans le fond du bassin, est capable de produire un faisceau laser et de mesurer le temps de passage des nageurs une fois la ligne laser franchie. « La lumière dans l’eau se propage beaucoup moins bien que dans l’air et nous avons dû trouver la bonne longueur d’onde pour que l’appareil fonctionne, déclare Arnaud Hays. Nous avons également dû régler les problèmes liés à la sécurité, et pour l’instant les nageurs doivent porter des lunettes polarisées pour protéger leurs yeux du laser. Mais dans la version définitive, il n’y aura plus besoin de cette protection et nous pensons atteindre une précision au millième de seconde. »

Mesurer la fréquence cardiaque, en direct, dans l’eau

Après avoir fait la preuve de concept de ce dispositif, un prototype doit être testé fin janvier. Alors que la plateforme immergée de mesure de la force sera uniquement destinée au sport de haut niveau, la porte chronométrée devrait pouvoir servir à un public plus large, selon Arnaud Hays : « elle ne coûte pas cher à fabriquer, et il y a peut-être un vrai marché pour les enfants notamment, lors d’exercices ludiques dans des piscines, pour par exemple mesurer leur temps de passage à 10 mètres. »

La troisième et dernière technologie développée, est un cardiofréquencemètre. Là encore, ce type d’équipement existe déjà, sauf que les nageurs doivent sortir de l’eau pour exploiter les données. « Pour faire des entraînements de qualité, il est indispensable de pouvoir faire une lecture en direct de la fréquence cardiaque des nageurs », assure l’expert d’Aix-Marseille Université. Pour y parvenir, les scientifiques ont instrumenté une ligne d’eau, qui sert habituellement à délimiter les couloirs de chaque nageur, en y installant des capteurs. Leur rôle est de récupérer les données provenant d’une ceinture cardiaque classique placée sur les nageurs. Ces capteurs transmettent ensuite leurs données dans l’air à l’aide du Wi-fi à un appareil de lecture. Ce mois-ci, un nouveau prototype va être testé et si les résultats sont concluants, la fabrication en série d’une ligne d’eau instrumentée va être lancée. « Cet équipement permet aussi de géolocaliser la personne dans la piscine et donc de calculer sa vitesse moyenne, et des temps de passage, ajoute Arnaud Hays. Certes, la mesure est un peu moins précise que le laser, de l’ordre de la dixième de seconde, mais pour des entraînements quotidiens, c’est assez pratique. » Au-delà de son utilisation pour les athlètes de haut niveau, cet outil devrait aussi avoir un intérêt médical, dans le cadre d’exercices de rééducation fonctionnelle avec des patients, afin de suivre leur fréquence cardiaque en direct.

Ces trois dispositifs devraient être opérationnels en mars ou avril 2023. Les entraîneurs pourront s’en servir pendant un peu plus d’un an pour améliorer les performances des nageurs de l’équipe de France avant les JO 2024.


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