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Un nouveau record de production d’énergie grâce à la fusion nucléaire

Posté le 27 août 2021
par Nicolas LOUIS
dans Énergie

Un laboratoire américain a réussi à atteindre une production de plus de 1,3 mégajoule grâce à la fusion nucléaire par confinement inertiel. Ce résultat est une preuve de concept de la capacité de cette technique à atteindre l'ignition, c'est-à-dire le seuil où cette énergie devient illimitée.

Le Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL), un laboratoire public américain, vient d’annoncer qu’il a réussi à battre un nouveau record de production d’énergie produite grâce à la fusion nucléaire. L’expérience a été réalisée au National Ignition Facility (NIF), en Californie, grâce à un laser de recherche extrêmement énergétique. Les chercheurs ont réussi à atteindre un rendement de plus de 1,3 mégajoule, soit huit fois supérieur à celui obtenu au printemps dernier.

Cette performance est d’une grande complexité à mettre en œuvre. Elle a été rendue possible grâce à la concentration de la lumière à l’aide de 192 faisceaux laser, sur une cible de la taille d’un plomb de chasse. Elle a eu pour effet de produire un point chaud du diamètre d’un cheveu, générant plus de dix quadrillions de watts par la fusion, pendant 100 trillionièmes de secondes. « Cette avancée place les chercheurs tout près du seuil d’ignition », indique un communiqué du LLNL. Ce seuil correspond au moment où l’énergie produite dépasse celle utilisée pour provoquer la réaction et qui est alors en mesure de s’entretenir elle-même.

Dans un communiqué du CEA, Daniel Vanderhaegen, directeur du Programme simulation de la Direction des applications militaires (DAM) au CEA, se dit très enthousiaste. « Cette expérience, réalisée au NIF, constitue une avancée considérable, parce que les chercheurs américains, qui ont démarré les expériences laser depuis plus de 10 ans, se sont rapprochés du seuil d’ignition, soit le moment où l’on récupère autant d’énergie thermonucléaire que ce que l’énergie laser a fourni. Les 192 lasers du NIF ont produit 1,9 mégajoule et les Américains ont récupéré 1,3 mégajoule d’énergie thermonucléaire. Le rendement est de 0,7, très proche du gain de 1, le seuil d’ignition, résultat jamais obtenu auparavant. Les Américains ont ainsi obtenu une preuve de concept de la capacité à atteindre l’ignition. »

Malgré tout, il reste prudent dans son analyse en ajoutant : « Pour produire de l’énergie de manière économique et rentable, il faudrait réaliser cette même expérience avec un gain non pas de 1, mais plutôt de 10, de façon répétitive et robuste, avec par exemple 10 expériences similaires par seconde, 24h/24. Mais cela demande beaucoup de préparation : on peut actuellement imaginer en faire une ou deux par semaine au NIF, pas plus. »

Deux voies possibles pour réaliser la fusion nucléaire

Le chercheur du CEA précise un peu plus loin : « Nous sommes actuellement au niveau de la preuve de concept et je ne pense pas qu’il soit possible d’arriver à quelque chose d’économiquement viable avant quelques décennies. Cela supposera certainement d’augmenter encore le nombre de faisceaux et de nous appuyer sur une autre technologie laser, de façon à pouvoir produire les énergies nécessaires. »

Il existe deux voies différentes pour réaliser la fusion nucléaire. Celle basée sur la fusion inertielle est utilisée par le NIF, ainsi qu’en France par le laser Megajoule qui l’exploite pour des applications de défense. Le projet international ITER se base quant à lui sur le confinement magnétique qui utilise des aimants puissants pour confiner le plasma pendant un temps plus long. Un réacteur est actuellement en cours de construction dans les Bouches-du-Rhône.

À la différence de la fission nucléaire, utilisée dans les centrales nucléaires et qui consiste à casser des noyaux atomiques lourds, la fusion est une réaction inverse, encore au stade expérimental, où l’on rapproche à très courte distance des noyaux légers, en particulier des isotopes de l’hydrogène (le deutérium et le tritium), dans le but de générer de l’énergie thermonucléaire. Ce processus se produit au cœur des étoiles. Les défenseurs de cette technique la considèrent comme l’énergie de demain, notamment car elle produit peu de déchets et pas de gaz à effet de serre. De plus, les isotopes de l’hydrogène utilisés pour la fusion se trouvent en quantités importantes sur terre et de façon pérenne.


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