Dans les ateliers métalliques où les copeaux volent au rythme des fraiseuses, des perceuses et des tours CNC (Computer Numerical Control), une révolution silencieuse est en marche. L’usinage, pilier discret de nombreuses chaînes industrielles, repense ses fondamentaux sous l’impulsion de la data et de l’intelligence artificielle. Objectif : réduire les déchets, optimiser les ressources et allonger la durée de vie des outils, tout en maintenant la précision au micron près. Loin d’être uniquement confinée dans des laboratoires expérimentaux, cette transition numérique est désormais à l’œuvre dans les ateliers de production.
Depuis quelques années, des capteurs connectés sont installés sur les machines-outils pour recueillir des données en temps réel, comme la température, les vibrations, les vitesses de coupe et le taux de rebut. Ces données sont ensuite analysées pour comprendre les comportements anormaux, anticiper les pannes ou ajuster les processus. Grâce à l’analyse prédictive, il est par exemple possible d’allonger la durée de vie des outils de coupe et de réduire les arrêts machines.
Mais c’est l’IA, et plus précisément le machine learning, qui transforme en profondeur les ateliers. En apprenant à partir de milliers de cycles d’usinage, les algorithmes sont capables de recommander en direct les meilleurs paramètres d’usinage : vitesse, avance, profondeur de passe. Cet usinage en temps réel permet entre autres de jeter moins de pièces, de réduire la matière perdue, et donc d’apporter un gain environnemental.
Seco Tools, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de solutions complètes d’outils coupants, a bien saisi l’intérêt de cet usinage « augmenté » par la data et l’IA. L’entreprise basée en Suède vient de s’associer avec le centre de recherche AMRC (Advanced Manufacturing Research Centre) de l’Université de Sheffield au Royaume-Uni, pour non seulement rendre la fabrication plus rapide, mais aussi durable. Cette collaboration vise à développer une infrastructure IoT (Internet of Things) intelligente permettant de consolider les données relatives aux machines, à l’environnement immédiat et au bâtiment industriel, afin de dresser une vision unifiée du fonctionnement.
Les données de consommation d’énergie sont converties en émissions de CO₂
Dans le détail, l’approche au niveau de la machine devra permettre de surveiller la consommation énergétique de chaque équipement, segmentée par sous-processus, et inclura aussi la consommation de liquide nécessaire à l’arrosage, ainsi que celle d’autres matériaux. Les données seront ensuite converties en coût immédiat et en émission de CO₂ selon l’intensité carbone du réseau électrique. La compréhension de l’environnement de la machine consistera entre autres à suivre la température et l’humidité des bâtiments, deux facteurs pouvant influer sur la performance énergétique. Enfin, l’ensemble du site sera aussi pris en compte, avec l’identification des schémas énergivores ou inefficaces, inhérents au fonctionnement global de l’usine.
Les analyses croisées de tous ces paramètres permettront de réaliser des diagnostics ciblés et d’identifier les gisements les plus pertinents pour réduire les émissions de CO₂ et optimiser les coûts. Elles devront par exemple répondre à ces questions : l’humidité ambiante génère-t-elle un surcoût de refroidissement ? Ou alors, les fenêtres ouvertes ou fermées influencent-elles l’efficience énergétique globale ?
À plus longue échéance, l’un des objectifs ambitieux de ce projet est la mise en place d’un système automatisé basé sur l’IA, capable d’ajuster en continu les paramètres d’usinage pour concilier performance opérationnelle, coûts maîtrisés et impact environnemental réduit. Chaque modification du processus devant alors participer à tendre vers la neutralité carbone.
Nul doute que dans le futur, face aux exigences croissantes en matière de production responsable, de plus en plus de chaînes d’usinage intégreront des briques d’IA ou d’analyse de données. Cette transformation nécessitera de former les opérateurs, de fiabiliser les données collectées et de repenser l’organisation des flux. Même si beaucoup de PME hésitent encore à investir dans des solutions numériques encore jugées expérimentales, ce mouvement vers un usinage plus sobre semble irréversible.
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