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Une méthode économique pour filmer à très grande vitesse à l’échelle atomique

Posté le 8 avril 2020
par Arnaud Moign
dans Innovations sectorielles

Il y a une quinzaine d’années, la microscopie électronique assistée par laser permettait enfin de filmer les mouvements ultrarapides à l’échelle atomique. Néanmoins, le coût d’achat de ces nouveaux équipements s’élève à plusieurs millions de dollars ! Des chercheurs du National Institute of Standards and Technology (NIST) ont développé un moyen de transformer n’importe quel microscope électronique à transmission, pour un coût bien inférieur.
June W. Lau avec le Microscope Electronique à Transmission modifié
Credit: N. Hanacek/NIST

La microscopie à résolution temporelle est considérée comme la dernière frontière des nanosciences, car elle permet d’observer non seulement l’espace à l’échelle atomique, mais aussi les mouvements en dessous de la nanoseconde.

Une méthode astucieuse basée sur la stroboscopie

Cette invention, appelée “beam chopper” fonctionne à la manière d’un stroboscope, c’est à dire qu’elle est  est basée sur l’observation de phénomènes périodiques rapides.

Une fois intégré dans le microscope, le dispositif génère une onde électromagnétique de type radio-fréquence (RF) dans la direction du faisceau d’électrons. “Les électrons qu’elle rencontre sont ensuite transportés par cette onde, un peu à la manière de bouchons flottant à la surface de l’eau”, explique June W. Lau, physicienne au NIST et co-auteure de l’étude récemment publiée dans Review of Scientific Instruments.

En surfant sur cette “vague”, les électrons suivent un parcours ondulant, alors qu’ils approchent de l’ouverture du faisceau. La plupart d’entre eux sont bloqués, à l’exception de ceux dont l’alignement avec l’ouverture est parfait. Comme la fréquence de l’onde RF est modulable, les électrons heurtent l’échantillon à observer entre 40 millions et 12 milliards de fois par seconde !

Les microscopistes qui disposent de cette amélioration sont ainsi capables de capturer des “événements” avec des intervalles de temps allant de 1 nanoseconde à 10 picosecondes.

Des résultats encourageants

Les résultats obtenus sont très encourageants, car ils indiquent que le microscope modifié fonctionne exactement comme ils l’avaient prévu en mode “stroboscopique”.

“Ces résultats nous rassurent, car ils signifient que le microscope est prêt à être utilisé pour résoudre de réels problèmes scientifiques”, affirme June W. Lau.

Quel impact industriel futur ?

Bien que cette technologie soit davantage destinée à la recherche (les microscopes électroniques à transmission sont plutôt des outils de recherche fondamentale), sa mise en application pourrait avoir des répercussions industrielles intéressantes.

“Les téléphones mobiles et les réseaux de communication sans fil utilisent des fréquences de l’ordre du gigahertz. Les matériaux contenus dans ces dispositifs fonctionnent également à cette fréquence. Cette invention pourrait permettre de révéler le fonctionnement interne de ces matériaux et ainsi contribuer à les améliorer”, précise June W. Lau.

Où en est le développement : verra-t-on bientôt cette technologie commercialisée sur les microscopes ?

À cette question, June W. Lau. répond : “Nous sommes quelque part dans un entre-deux. Certes, nous sommes encore loin de l’industrialisation, mais nous avons fait énormément de chemin et dépassé le stade du prototype. Je suis assez confiante sur le fait qu’une première génération de produits fiables puisse maintenant être construite.”

Pour en savoir plus : 

https://www.nist.gov/news-events/news/2020/02/simple-retrofit-transforms-ordinary-electron-microscopes-high-speed-atom

https://aip.scitation.org/doi/10.1063/1.5131758

Crédit photo de une : Cezary Borysiuk, Creative Commons


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