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Une première en Europe : un train autonome circule sur une voie classique

Posté le 18 août 2025
par Aliye Karasu
dans Innovations sectorielles

La République tchèque peut se targuer d'être à l'avant-garde de l’innovation dans le secteur ferroviaire. En lançant un train autonome sans conducteur aux commandes, le pays inaugure un projet inédit à l’échelle continentale. Il ne reste, à ses voisins européens qu'à suivre la voie.

Le mardi 5 août dernier, un train a monopolisé toutes les attentions : il s’agit du premier train autonome circulant en milieu ouvert en Europe. Celui-ci répond au nom d’Edita et relie deux petites villes situées dans le nord de la République tchèque sur une voie de 24 kilomètres. Le trajet est dit « en milieu ouvert » parce qu’il comprend des passages à niveau et que les voies sont ouvertes à la circulation d’autres compagnies ferroviaires.

Du transport de betteraves sucrières au train autonome

Cette ligne, reliant Kopidlno à Dolní Bousov, a été relancée par l’opérateur ferroviaire tchèque AŽD Praha. La première mise en service de ce train date du 26 août 1883 et avait pour but de transporter des betteraves sucrières. Après sa fermeture et son abandon en 2010, elle a été acquise six ans plus tard par l’AŽD. L’entreprise a alors entamé une transformation de l’usage de cette ligne pour en faire un site d’essai moderne pour systèmes ferroviaires autonomes. Cette remise en service lui aura coûté 13 millions d’euros ; un tiers du montant a été financé par l’Union européenne.

Un équipement de pointe

Le train tchèque, qui a déjà parcouru 1 700 kilomètres sans conducteur, s’appuie sur les technologies les plus avancées. En effet, pour assurer un contrôle précis de son freinage et de sa vitesse, Edita est doté d’un équipement composé de caméras, de lasers, d’une navigation par satellite et d’une carte numérique intégrée. Michal Novak, un développeur ferroviaire d’AZD, explique que le train a déjà dû s’arrêter à cause d’un troupeau de moutons. Un arrêt rendu possible grâce à un dispositif qui détecte les objets et reconnaît les obstacles.

Précisons que, malgré cette panoplie technologique, la législation tchèque impose la présence d’un conducteur à bord pour coordonner le fonctionnement de la machine. Les passagers ont accès en direct aux images captées par le train leur permettant ainsi de vivre ce voyage atypique plus sereinement.

La législation freine

Cette première est d’autant plus importante qu’en Europe les véhicules autonomes ne circulent que sur des voies fermées (métro ou navettes entre les terminaux d’aéroport). Pour trouver un projet semblable au train tchèque, il faut se tourner vers l’Australie. En octobre 2017, Rio Tinto[1] y avait accompli une première mondiale avec son train totalement autonome.

Comme pour l’automobile, le degré d’automatisation est classé par niveau, de 1 à 5 ; le niveau 4 est un palier décisif car l’autonomie y est complète dans un domaine opérationnel défini (actuellement réservé à certains métros de la RATP).

En France, le constructeur Alstom a testé, en septembre 2024, la circulation de trains autonomes avec des passagers. À cette occasion, un système de téléguidage des trains RTO[2] a été utilisé pour piloter le train à distance.

Du côté du transport routier, la législation devrait évoluer au sein de l’UE à partir du 26 septembre prochain  : les « manœuvres initiées par le système » seront autorisées. Une bonne nouvelle pour les utilisateurs européens de Tesla qui pourront enfin utiliser l’option FSD[3] de leur véhicule. Cependant, l’autorisation est accordée uniquement sur les autoroutes et se limite à certaines manœuvres. Une législation qui tarde à s’adapter, illustrant des exigences de sécurité très élevées pour les systèmes de conduite automatisée.

Avec l’essor très récent de l’intelligence artificielle, des questions plus profondes se posent au sein des populations où l’engouement cède souvent la place à la méfiance. Selon une étude réalisée en 2024, seules 9 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles auraient confiance en une voiture autonome ; ce chiffre s’élevait à 15 % l’année précédente. Les algorithmes doivent donc encore prouver leur fiabilité face à la grande variété des situations que génère l’expérience de la conduite.


[1] Société minière anglo-australienne fondée en 1873

[2] Remote Train Operation

[3] Full Self Driving


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