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Vers un rebond des toitures photovoltaïques ?

Posté le 16 septembre 2025
par Stéphane SIGNORET
dans Énergie

Les panneaux solaires sur les toits ont déjà une place importante dans le parc photovoltaïque européen. Cette position majoritaire commence à se réduire, mais elle pourrait perdurer car le potentiel de surface en toiture est encore sous-exploité.

Une analyse récemment publiée par Enerdata met en lumière le fait que les panneaux solaires photovoltaïques (PV) sur toitures sont encore majoritaires dans le parc PV total en Europe, avec environ 220 GW installés. En 2025, à elles seules, les toitures photovoltaïques assureront 8 % de l’approvisionnement en électricité de l’Union européenne.

Le potentiel de long terme est très important. Le Joint Research Center estime, de manière prudente, que les toitures solaires en Europe pourraient porter 1 100 GW de PV. Même en imaginant un doublement de la consommation d’électricité d’ici 2050, cette puissance couvrirait 20 % des besoins. D’autres études plus optimistes chiffrent le potentiel de production du PV en toiture à 2 700 TWh, toujours à l’échelle européenne pour le milieu du siècle, soit la totalité de la consommation actuelle !

Une forte évolution du photovoltaïque en 20 ans

Le marché solaire photovoltaïque global dans l’Union européenne a connu une forte croissance depuis 20 ans. La puissance installée est passée de 1,3 à 338 GW entre 2004 et 2024, avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas en tête. Rien qu’en 2024, 65,5 GW ont été mis en service, confirmant une dynamique encore forte. La part du PV dans la production d’électricité de l’UE, quasi nulle il y a 20 ans, est désormais d’environ 11 %, et elle pourrait atteindre 20 à 25 % en 2030 selon les estimations d’Enerdata.

Portés initialement par des tarifs de soutien public généreux, les projets PV ont peu à peu été contraints d’appuyer plus fortement la revente de leur électricité sur des références de prix des marchés de gros. La baisse des subventions nationales a été possible grâce à la baisse du prix du kilowattheure solaire : de 140 €/MWh en 2010, le LCOE (levelized cost of energy) du photovoltaïque au niveau européen est passé à environ 40 €/MWh depuis 2019, et il pourrait baisser jusqu’à 25-30 €/MWh d’ici 2050.

Cette baisse des coûts est particulièrement vraie pour les projets de grande taille au sol. Les installations sur toiture sont toujours plus chères, mais cela n’empêche pas qu’elles ont longtemps dominé le marché. Même si leur part diminue, elles ont encore représenté 60 % des nouvelles capacités installées entre 2020 et 2024.

Les pays ayant le plus développé le PV et d’autres énergies renouvelables comme l’éolien sont parfois soumis à des contraintes qui limitent la progression des capacités : conflits d’usage des sols, possibilités amoindries de raccordement aux réseaux électriques notamment à cause de délais trop longs, etc. Stimuler l’utilisation des toitures apparaît donc comme une solution intéressante : les structures des bâtiments existent, ils sont déjà raccordés au réseau, et l’autoconsommation génère un bénéfice économique aux usagers.

Panneaux plus légers et rémunération au prix spot

Parmi les obstacles à lever figure la limitation structurelle des toitures : certaines ne peuvent pas supporter le poids des panneaux photovoltaïques, en particulier sur 30 à 40 % des bâtiments commerciaux et industriels. Il faut alors envisager des types de panneaux différents, plus légers, comme l’avait fait l’entreprise CréaWatt qui est actuellement en redressement judiciaire.

L’analyse d’Enerdata souligne aussi que les installations PV sur les toitures résidentielles bénéficient encore souvent de tarifs d’achat rémunérant l’injection du surplus de production sur le réseau (système dit « net-metering » en anglais, c’est-à-dire la différence entre ce qui est consommé dans le bâtiment et la production des panneaux solaires). Cette injection se fait en dehors du signal-prix des marchés, et quand elle s’accumule au niveau national lors de périodes très ensoleillées avec peu de consommation, elle peut engendrer des congestions sur le réseau de distribution en incohérence avec les besoins d’équilibre du système électrique. Une solution serait de rémunérer le surplus au prix de marché spot (« net-billing » en anglais) : comme il est très bas (voire négatif) lors des fortes productions d’électricité, ce mécanisme inciterait les utilisateurs à investir dans des solutions de stockage par batteries stationnaires et/ou à maximiser leur autoconsommation. Ainsi, ils s’assureraient de la rentabilité économique de leur installation PV en privilégiant l’injection des électrons quand le réseau en a vraiment besoin.

Enerdata donne l’exemple de trois pays pour appuyer sa vision. Les Pays-Bas ont installé beaucoup de solaire photovoltaïque en toiture depuis des années, mais ont connu une stagnation en 2024. Dans le résidentiel, la capacité installée a ainsi été réduite par plus de deux par rapport à 2023, en anticipation de la fin du net-metering début 2027. Sur le segment commerce & industrie, la baisse est légère, mais un rebond n’est envisageable que si des panneaux solaires plus légers sont utilisés pour couvrir certaines toitures.

En Espagne, un ralentissement est aussi à l’œuvre en 2024, mais la dynamique est encore importante : 6 GW ont été installés dont 1,18 GW en toiture. La rémunération en net-billing réduit l’intérêt économique des nouvelles installations, mais le développement des batteries stationnaires et une plus grande flexibilité des bâtiments commerciaux et industriels devraient peu à peu en relancer l’intérêt. D’autant que le gouvernement espagnol maintient un objectif élevé de 76 GW de PV en 2030.

En France, l’objectif de 2050 est de 100 GW et Enerdata dit qu’au moins la moitié pourrait être assumée par les toitures PV. Différentes études estiment que les toitures ont un potentiel entre 125 à 400 TWh par an, bien plus que la production des 14 TWh en 2024. Dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (toujours en attente), il est attendu que 41 % des nouvelles capacités photovoltaïques soient sur les toitures petites et moyennes, et 16 % sur les grandes toitures des bâtiments commerciaux, logistiques et industriels.


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