Décryptage

Panneaux solaires et éoliennes : les énergies renouvelables à l’épreuve de la circularité

Posté le 28 août 2025
par Pierre Thouverez
dans Énergie

Alors que les énergies renouvelables s’imposent comme un pilier de la transition énergétique, la problématique du recyclage des infrastructures de production d’ENR grandit : que deviennent les panneaux photovoltaïques et les éoliennes lorsqu’ils arrivent en fin de vie ?

La recyclabilité des éoliennes et des panneaux solaires est souvent mise en avant – plus de 90 % pour les deux technologies – mais le recyclage effectif, lui, reste en deçà des attentes, malgré une législation européenne et française de plus en plus structurée et contraignante.

En théorie, la France dispose d’un fort potentiel de valorisation. Les panneaux photovoltaïques, majoritairement à base de silicium cristallin, sont recyclables jusqu’à 95 %. Verre, aluminium, plastique, mais aussi silicium, cuivre et argent peuvent être potentiellement récupérés. Pour les éoliennes, dont la durée de vie est un peu plus courte (environ 25 ans contre 30 pour les panneaux), la structure métallique – acier, aluminium, cuivre, béton – représente également plus de 90 % de la masse et est facilement recyclable. Le problème majeur, dans les deux cas, réside dans l’écart entre cette recyclabilité théorique et le recyclage réellement effectué. Comme souvent.

Prenons l’exemple des panneaux solaires. En 2023, l’éco-organisme agréé Soren, chargé de leur récupération en fin de vie a enregistré un total de 5 407 tonnes de panneaux collectés. En 2024, ce chiffre est monté à 9 361 tonnes, soit 77 % des panneaux désinstallés cette année-là. Une progression notable comparée à 2023 (54 %), mais encore loin de l’objectif de 85 % fixé par la directive européenne DEEE.

On estime aujourd’hui qu’environ un tiers des panneaux solaires aujourd’hui désinstallés échappent à la filière réglementée, pour être revendus à l’étranger ou sur des plateformes de seconde main. Avec toutes les dérives que cela implique.

Près de 94% de valorisation des panneaux collectés

Sur les panneaux effectivement collectés, le taux de recyclage atteint entre 93 et 94 %. Ce recyclage est assuré par quatre sites en France, situés près de Bordeaux, Lille, Toulouse et Grenoble, avec des technologies comme celles de Rosi Solar (Isère), capable d’extraire les métaux rares à haute valeur ajoutée des panneaux. Pourtant, si l’on prend en compte le taux de collecte, ce sont au final seulement 55 à 60 % des panneaux usagés qui sont effectivement recyclés en France. L’économie circulaire implique la distinction entre recyclabilité et recyclage effectif : la première est une promesse, le second une réalité souvent freinée par des obstacles logistiques, techniques et économiques.

Du côté des éoliennes, la situation est plus contrastée. Bien que leur recyclabilité globale soit élevée (90 à 95 %), le parc français est encore relativement jeune : moins de 5 % des installations sont aujourd’hui en fin de vie. Cela limite mécaniquement les volumes traités et retarde l’industrialisation d’une filière de recyclage à grande échelle. Depuis 2024, un décret impose la valorisation d’au moins 95 % du poids des aérogénérateurs et 55 % pour les matériaux des pales (à partir de 2025). Mais dans les faits, ces dernières, constituées de fibres composites, sont difficilement recyclables. La majorité finit encore incinérée ou en remblais, après une valorisation énergétique. Selon l’ADEME, entre 3 000 et 15 000 tonnes de pales composites devront être traitées chaque année dès 2025. 

Les pâles d’éoliennes, casse-tête persistant

Pour l’instant, les initiatives industrielles restent éparses. Arkema développe des pales thermoplastiques plus faciles à recycler, et certaines start-ups travaillent sur des procédés de dépolymérisation. Mais les capacités restent limitées, et la France n’a pas encore mis en place de filière REP (responsabilité élargie du producteur) pour les éoliennes, à la différence des panneaux photovoltaïques. L’extension de cette REP aux éoliennes terrestres est en discussion, dans le cadre de la loi Agec, pour une mise en œuvre attendue à l’horizon 2026-2027.

Sur le plan législatif, les bases sont pourtant posées. En Europe, les panneaux solaires sont intégrés depuis 2012 à la directive DEEE, qui impose aux producteurs la prise en charge de la collecte et du recyclage, avec des objectifs chiffrés. Pour les éoliennes, elles relèvent de la directive-cadre sur les déchets, sans objectif spécifique pour les matériaux composites, bien que des financements européens, via Horizon Europe, soutiennent l’émergence de filières circulaires adaptées.

En France, les panneaux photovoltaïques sont encadrés depuis 2014 par une REP bien établie, financée via une éco-contribution. À titre d’exemple, en 2023, près de 400 000 tonnes de panneaux ont été mises sur le marché, soit une croissance continue qui exigera à terme une montée en puissance des infrastructures de traitement. Les éoliennes, elles, doivent faire l’objet d’un démantèlement financé par une garantie de 1 000 euros par kilowatt installé, mais sans mécanisme de mutualisation ni de suivi structuré du recyclage des composants.

Au final, si la France dispose d’un bon socle réglementaire et de quelques champions industriels du recyclage, elle reste confrontée à un triple défi : augmenter les taux de collecte, développer des solutions pour les matériaux complexes (en particulier les composites) et structurer des filières industrielles robustes. Car si la transition énergétique veut tenir sa promesse de durabilité, elle devra impérativement être aussi une transition circulaire.


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