TSE Energy est un producteur français indépendant d’énergie solaire.
TSE développe, finance, construit et exploite des centrales solaires photovoltaïques sur différents types de foncier.
Grâce à ses installations agrivoltaïques de pointe, TSE est reconnu comme une référence de l’énergie solaire et de l’agrivoltaïsme.
Techniques de l’ingénieur : Comment cette idée de canopée agricole a-t-elle germé ?
Denis Burtin : L’objectif était de créer un système qui permette d’installer des panneaux solaires sur les terrains agricoles sans perturber le passage des engins, en permettant tous types de grandes cultures, comme le maïs, le bambou, le blé, l’orge ou le soja, etc. Nous sommes donc partis d’une feuille blanche avec cette idée simple.
Comme je suis originaire de Grenoble, je suis né avec les skis au pied et j’ai toujours été fasciné par les remontées mécaniques avec leurs câbles tendus. J’ai repris le principe en installant, au-dessus des champs agricoles, des câbles munis de panneaux capables de suivre la course du soleil. C’est donc comme ça qu’est né le concept de canopée.
Avec le président de TSE, Mathieu Debonnet, nous avons alors posé le premier brevet et nous avons continué à affiner le système pour aboutir à la mise en service, en 2022, de notre premier projet démonstrateur, situé à Amance, dans l’est de la France.
Avez-vous surmonté des défis techniques particuliers ?
Ce produit embarque de nombreuses innovations technologiques. Au niveau structurel déjà : les portées entre deux poteaux sont très grandes, autour de 27 mètres, et on a toujours au minimum 5 mètres utiles pour le passage des machines, quelle que soit la configuration d’angle du panneau. Or, cette structure complexe doit être capable de supporter les conditions climatiques les plus extrêmes, avec un ancrage au sol minimum.
Nous avons codéveloppé, avec l’École des Mines, un logiciel de simulation permettant de simuler toutes les conditions météorologiques et de vérifier leur interaction avec la structure. Ceci nous permet d’établir les positions de mise en sécurité à adopter, afin que la canopée puisse essuyer tout type de tempête.
Chaque canopée est ainsi bardée d’instruments de mesure. Les premières contiennent environ 800 capteurs (accéléromètres, inclinomètres, sondes tensiométriques, thermomètres, etc.) qui nous servent notamment à vérifier les hypothèses de notre jumeau numérique et à améliorer le dimensionnement structurel de l’installation.
Nous allons jusqu’à affiner le mode opératoire de vibration de la structure et les déplacements en fonction de la température, puis on vient incrémenter nos jumeaux numériques via des réseaux de neurones qu’on entraîne pour obtenir des modèles les plus fiables possibles.
L’idée était aussi de développer un pilotage actif des panneaux en fonction des conditions climatiques. C’est-à-dire placer les panneaux à la verticale lorsqu’il pleut, ou les orienter de manière à créer le maximum d’ombrage lorsque la température dépasse 28°C et qu’il n’y a plus de photosynthèse. Même chose lors des périodes de gel printanier : les panneaux apportent une couverture nocturne qui apporte quelques degrés et évite le gel.
Sur la partie agricole, comment fonctionne ce pilotage de la canopée ?
Grâce à un logiciel spécialement développé, nous arrivons à estimer la quantité d’eau qu’il va falloir apporter à la plante dans les prochaines 24 heures. Ce pilotage prend en compte les données récoltées par les sondes (hygrométrie, température, etc.) placées sur le terrain, à différentes profondeurs et qui permettent d’estimer la réserve hydrique du terrain et les besoins réels de la plante.
Il devient donc possible de proposer un programme d’irrigation 100 % automatique capable de fonctionner la nuit et totalement adapté à la parcelle de l’agriculteur. Avec ce système, les économies d’eau sont de l’ordre de 30 %, ce qui n’est pas négligeable !
Nous avons aussi développé différentes stratégies, basées sur le couplage entre plusieurs jumeaux numériques, concernant les données agricoles, la simulation de l’ombrage et les données de production photovoltaïque. Grâce à cet assemblage d’informations, nous sommes ainsi capables de piloter les panneaux pour améliorer à la fois le rendement agricole et la production d’énergie solaire.
Les canopées développées par TSE sont-elles proches du stade industriel ?
Les quatre canopées installées (3 hectares, en France, et 3 MW chacune) sont 100 % opérationnelles, mais ce sont encore des pilotes industriels. En effet, ce produit étant une innovation majeure, nous avons choisi de travailler par étapes.
Nous avons actuellement une trentaine d’ingénieurs qui travaillent sur les différents sujets associés à la canopée : jumeaux numériques, volet agronomique, conception de la structure, pilotage, sans oublier la partie électrique.
Car TSE cherche bien évidemment à optimiser la production d’énergie, en utilisant notamment des panneaux solaires de dernière génération. Nous utilisons ainsi des panneaux bifaciaux, capables de capter l’énergie solaire directe sur la face avant, mais aussi les rayons lumineux issus de la réflexion provenant du sol, sur la face arrière (albédo). Avec ces panneaux bifaciaux, nous gagnons à peu près 5 à 10 % de production supplémentaire.
La prochaine canopée, qui sera terminée en février-mars 2026, sera la 3e version d’évolution et la 4e et dernière version avant industrialisation sera terminée en juin. Nous en sommes donc au stade final de la R&D.
Pour en savoir plus au sujet de l’agrivoltaïsme, nous vous invitons à lire également l’interview de Bertrand Drouot L’Hermine.
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