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Choose France 2025 : entre ambitions industrielles et doutes persistants

Posté le 19 novembre 2025
par Nicolas LOUIS
dans Entreprises et marchés

Alors que le sommet Choose France – Édition France vient de se terminer, une question s'impose : la France a-t-elle réellement franchi un cap industriel ou s'est-elle contentée de mettre en scène sa propre ambition ? Derrière les annonces foisonnantes, les doutes persistent et révèlent une édition aussi politique qu'économique.

Ce lundi, à la Maison de la Chimie, le gouvernement a inauguré une version inédite du sommet Choose France, exclusivement tournée vers les investissements réalisés par des entreprises françaises sur le territoire national. Un événement qui se veut la vitrine d’une réindustrialisation portée par les acteurs tricolores, dans un contexte économique et politique en tension. Selon les chiffres dévoilés, 151 projets ont été recensés pour un total de 30,4 milliards d’euros d’investissements.

Parmi eux, 9,2 milliards concernent des initiatives réellement nouvelles, dans des secteurs jugés essentiels comme les data centers, le recyclage, la santé et la mobilité. Les 21,2 milliards restants correspondent à des projets déjà dévoilés au cours de l’année, parfois en cours d’exécution depuis des mois. Plusieurs groupes emblématiques ont été fortement mis en avant : Sanofi revendique une enveloppe d’un milliard d’euros sur 2025-2026, principalement destinée à des opérations déjà programmées. Safran investira plus de 430 millions dans une unité de freins carbone dans l’Ain, dont la mise en service est prévue en 2030. Danone programme 300 millions pour relocaliser une partie de sa production d’ici 2028. Enfin, EDF et OpCore vont construire un data center pour un montant de 4 milliards d’euros à Montereau-Vallée-de-la-Seine (Seine-et-Marne).

L’édition 2025 a aussi révélé un foisonnement d’initiatives illustrant la diversité de l’investissement productif tricolore. Ainsi, Urgo, marque emblématique du pansement, prévoit d’investir 60 millions dans une nouvelle usine dans la Loire. Dans l’Est de la France, Arverne déploie son ambitieux projet Lithium de France, misant sur la géothermie pour massifier une filière stratégique (2 milliards d’euros). D’autres investissements structurants sont prévus sur le territoire : l’extension du campus Cloud & HPC (High Performance Computing) de Sesterce à Valence (1,5 milliard d’euros), ou encore la future usine de recyclage de terres rares de Carester à Lacq (185 millions d’euros), mais aussi sept projets de recyclage portés par Derichebourg (130 millions d’euros).

Les inquiétudes du milieu patronal face à l’instabilité de la situation politique

Pour accompagner cette dynamique, l’État et Bpifrance activent un arsenal d’outils publics : le crédit d’impôt industrie verte, déjà doté d’une trentaine d’agréments, le plan France 2030 et ses 54 milliards mobilisés sur cinq ans, ou encore de nouveaux instruments financiers comme les Obligations Transition, la Garantie Fonds Propres Relance et l’extension du dispositif Tibi, désormais porté à 15 milliards d’euros pour soutenir le capital-risque français. Autant de leviers destinés à transformer les annonces du sommet en investissements pérennes et à renforcer la compétitivité du tissu industriel.

Mais au-delà des annonces, l’initiative porte aussi une signature éminemment politique. L’exécutif entend rappeler que la souveraineté économique ne se décrète pas et qu’elle se construit grâce à l’engagement des entreprises françaises. Pourtant, la dynamique affichée peine à dissiper les inquiétudes. Selon Le Monde, « ce sommet sert surtout de prétexte à l’exécutif pour tenter de renouer le lien avec un milieu patronal sidéré par l’instabilité de la situation politique et ses conséquences désastreuses sur la marche économique du pays ». D’après un bilan réalisé par L’Usine nouvelle, un indicateur ne trompe pas : pour la deuxième année consécutive, la France devrait compter davantage de fermetures que d’ouvertures d’usines en 2025.

Le traitement des annonces normandes a également suscité son lot de critiques. Présentée par l’Élysée comme avant-dernière en nombre de projets mais cinquième en montants investis, la région s’est retrouvée au cœur d’un classement contesté par Le Journal des entreprises. Ce décalage entre communication officielle et réalité économique ravive une critique récurrente : une partie notable des annonces Choose France relève davantage de réengagements que de véritables créations nouvelles. La transformation industrielle du pays demeure ainsi un chantier encore incertain, dont les résultats peinent à se matérialiser.


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