Les résultats de la deuxième édition de l’Observatoire Arts & Métiers des Industries Responsables ont été présentés récemment dans le cadre de la 14e édition de la Semaine de l’Industrie.
À l’initiative de la Société des ingénieurs Arts et Métiers et en partenariat avec l’IFOP, l’Observatoire a tenté, cette année, d’apporter une réponse à la question suivante : « La France est-elle en train de rater sa réindustrialisation ? ».
La méthodologie employée repose sur une double enquête menée en septembre dernier :
- un sondage IFOP réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 Français ;
- une enquête en ligne interrogeant des professionnels de l’industrie (ingénieurs, étudiants, jeunes diplômés des Arts et Métiers).
Nous nous proposons d’en résumer les principaux résultats.
Effet de la désindustrialisation : la démoralisation
Moins de la moitié des Français (47 %) voient la France comme une grande puissance industrielle. Révélateur d’un malaise profond, ce chiffre est en recul de 9 points par rapport à 2024. Ce scepticisme est partagé par les ingénieurs qui ne sont que 43 % à avoir une opinion favorable à ce sujet.
Concernant la réindustrialisation, 32 % des Français estiment qu’elle est « en bonne voie ». Un constat pessimiste qui s’exprime de manière plus accentuée pour les acteurs de terrain (16 %).
Signe d’un manque de confiance en l’avenir de l’industrie, 47 % seulement des Français recommanderaient à un proche de travailler dans ce secteur. Une perte d’attractivité significative puisque c’est le plus bas niveau observé depuis quinze ans[1].
Un soutien insuffisant des pouvoirs publics
Le premier frein à la réindustrialisation est l’instabilité politique. En effet, pour près d’un ingénieur sur deux (47 %) le manque de vision à long terme a des répercussions directes sur leur activité (ralentissement de projets, difficultés à planifier les investissements et incertitude réglementaire). Un constat préoccupant, car la régénérescence de l’industrie se construit sur la durée et doit s’appuyer sur des engagements solides. Sans surprise, les dirigeants d’entreprises industrielles émettent un avis plus sévère : ils sont 69 % à considérer être freinés par l’instabilité politique.
Alors que l’industrie est un pilier de la souveraineté nationale, il est paradoxal de noter que huit ingénieurs sur dix ne se sentent pas suffisamment soutenus par les pouvoirs publics.
Ils estiment aussi que la simplification des normes et des démarches administratives est la priorité absolue.
Des leviers d’actions prometteurs
Admettant le caractère conjoncturel des blocages (inflation, instabilité politique…), les ingénieurs sont capables de reconnaître la solidité du socle industriel français (qualification de la main-d’œuvre, qualité de la recherche). La formation est centrale pour la relance : pour 45 % des répondants, il est impératif de donner davantage envie aux jeunes de rejoindre l’industrie.
L’intelligence artificielle est considérée comme une opportunité à saisir : 70 % des ingénieurs jugent qu’elle changera en profondeur l’industrie et 32 % déclarent l’utiliser régulièrement dans leur travail. L’aéronautique, secteur en pointe dans l’IA, est d’ailleurs le secteur jugé le plus prometteur (74,5 %).
Le moment est décisif selon Stéphane Gorce, le Président de la Société des ingénieurs Arts et Métiers : « (…) si la France ne prend pas les bonnes décisions aujourd’hui, elle manquera sa fenêtre de réindustrialisation. Les signaux sont clairs, il faut agir sans délai. »
À noter : les Journées Usines Ouvertes reviennent le 20 et 21 mars 2026. Avec plus de 230 usines et 20 000 visiteurs lors de la première édition en 2025, cet évènement est une occasion de recréer un lien direct entre citoyens et entreprises.
[1] Sondage IFOP pour l’Usine Nouvelle réalisé en 2010
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