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Des nanotubes d’argiles pour l’électrolyse de l’eau

Posté le 24 novembre 2025
par Camille PASCHAL
dans Matériaux

L’électrolyse de l’eau pour produire de l’hydrogène vert est en enjeu majeur pour la décarbonation. Mais cette synthèse n’est aujourd’hui réalisable qu’avec des catalyseurs composés de métaux rares. Pour pallier ce problème, des chercheurs du CNRS ont développé un nanotube dopé au fer.

Des chercheurs du CNRS au Laboratoire de Physique des Solides et de l’Institut de Chimie Physique (CNRS/Université Paris-Saclay) ont réussi à concevoir un matériau imitant la nature pour réaliser l’électrolyse de l’eau. Cette réaction décompose l’eau en ses constituants : l’hydrogène et l’oxygène. Un premier pas pour produire de l’hydrogène vert, carburant « décarboné ».

Pour leur matériau, les scientifiques se sont inspirés de l’imogolite, un minéral naturel de type argileux en forme de nanotube. Ils ont ensuite remplacé certains éléments chimiques de la structure par du fer. Pour Erwan Paineau, un des chercheurs de l’étude, « nous avons choisi d’utiliser des métaux de transition abondants et peu coûteux pour améliorer les propriétés optoélectroniques des nanotubes. La littérature montrait qu’il était possible d’insérer du fer dans ces nanotubes. Quelques recherches suggéraient l’effet bénéfique des sites Fe dans l’imogolite dopée pour les applications électrocatalytiques, lesquelles n’avaient à ce jour pas été analysées en profondeur ». L’addition du fer dans la structure est réalisée via une synthèse hydrothermale en une étape. C’est-à-dire que les précurseurs chimiques sont placés en solution aqueuse et chauffés sous pression dans un autoclave. Cette étape permet d’intégrer de manière homogène le fer, lors de la croissance des nanotubes.

Un hydrogène vert

L’électrolyse de l’eau, et notamment pour obtenir de l’hydrogène vert, est un défi majeur dans un contexte de réduction des émissions de carbone. Aujourd’hui cette réaction nécessite des catalyseurs à base de métaux rares comme l’iridium ou le ruthénium. Développer une alternative à moindre prix représente un enjeu important. « Notre étude est une preuve de concept du potentiel de ces nanotubes dopés pour l’électrocatalyse. Nous n’avons pas fait d’analyse de coûts par rapport aux autres catalyseurs actuellement utilisés sur le marché », explique Erwan Paineau. Toutefois, le prix de ce catalyseur reste élevé puisqu’il contient du germanium, mais qui, à terme, pourrait être remplacé par du silicium, moins onéreux. Il poursuit : « Les avantages sont avant tout l’absence de métaux nobles ou de ressources critiques, sauf pour le germanium. L’efficacité sur les tests électrocatalytiques montre que notre matériau est meilleur que l’oxyde d’iridium, servant de référence dans le domaine. Il existe d’autres matériaux plus performants pour l’électrolyse de l’eau, mais qui emploient du cobalt et/ou du nickel, deux ressources critiques ».

Pour l’instant, la technologie conçue par les chercheurs reste au stade de démonstration expérimentale de faisabilité (TRL3). Avant de pouvoir l’utiliser pour la catalyse de l’eau, il faudra passer par un développement technologique à plus grand volume, impliquant un changement d’échelle en termes de production du matériau et de sa mise en forme sur des électrodes. Mais il reste encore des freins à son déploiement industriel : « Nous devons encore optimiser le temps de synthèse du matériau et les volumes d’eau nécessaire à sa production et purification en masse. Il faut également prendre en compte le risque de toxicité de notre objet nanométrique. Cela demande la mise en place de protocoles spécifiques pour la manipulation à grande échelle », conclut le chercheur.


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