Hydrogen storage facility. Clean energy. 3D render.

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Électrolyse haute température : Genvia prépare son décollage

Posté le 20 octobre 2025
par Stéphane SIGNORET
dans Énergie

Spécialiste de l’électrolyse haute température à oxyde solide, Genvia construit un démonstrateur sur un site d’ArcelorMittal. Sa réussite doit permettre le passage à l’échelle industrielle envisagée pour 2027-2028.

Actuellement, dans la filière de l’hydrogène décarboné, la société Genvia semble présenter un fort potentiel de réussite. Alors qu’elle prépare un démonstrateur industriel en Lozère, elle combine à la fois l’excellence de la recherche française, un modèle de développement industriel prudent afin de se fortifier et de durer, et une capacité à penser l’avenir en imaginant le potentiel d’interaction de l’électrolyse avec le système électrique.

Créée en 2021 sous forme de joint-venture innovante publique/privée, elle capitalise sur quinze ans de R&D au CEA et le savoir-faire en industrialisation de SLB (anciennement Schlumberger), et dispose dorénavant d’un portefeuille d’une soixantaine de brevets sur la technologie qu’elle souhaite développer. Au lieu de l’électrolyse alcaline ou par membrane échangeuse de protons (PEM), Genvia s’est en effet focalisée sur l’électrolyse à haute température à oxyde solide (SOEC).

La technologie repose sur des cellules en céramique qui contiennent du zirconium et de l’yttrium avec des catalyseurs à base de nickel et d’une petite quantité de terres rares. Ces cellules, cœur de la réaction chimique produisant l’hydrogène, peuvent être assemblées dans des « stacks » de 20 kW unitaires, eux-mêmes compilés dans des modules. La réaction d’électrolyse se fait typiquement entre 700°C et 800°C avec de la vapeur d’eau, d’où un avantage considérable : pour une même quantité d’hydrogène produite, la solution de Genvia consomme 20 à 30 % d’électricité en moins que les électrolyses alcalines et PEM.

Un démonstrateur chez ArcelorMittal

« Notre intérêt est de développer cette technologie chez des industriels disposant de chaleur à au moins 150°C et utilisant déjà l’hydrogène dans leur procédé. Les process de l’acier, de la chimie et des raffineries sont pertinents pour être dans cette “zone de confort” » détaille Patrice Tochon, directeur R&D et Stratégie de Genvia. Après un premier pilote sur son site à Béziers, Genvia a trouvé un site industriel avec l’appui de la région Occitanie pour tester et optimiser sa technologie en situation réelle.

Il s’agit d’une usine d’aciers électriques haut de gamme d’ArcelorMittal, dans la ville de Saint-Chély-d’Apcher. Le site produit des bandes d’acier laminées à froid qui, une fois empilées, fournissent une tôle aux propriétés magnétiques utiles pour les transformateurs et pour les moteurs. L’hydrogène, utilisé pour protéger le produit lors des opérations de recuit, est fabriqué par vaporeformage de gaz fossile. Pour réduire ses émissions de CO2, ArcelorMittal envisage plusieurs pistes dont le recours à de l’hydrogène bas-carbone qui réduirait de 20 % les émissions du site.

Soutenu par France 2030, le démonstrateur expérimental, appelé SOEL200, est en cours d’installation, sa mise en service étant prévue début 2026. Il pourra fabriquer jusqu’à 200 kg d’hydrogène par jour, nécessitant une puissance électrique d’environ 300 kW au cœur de l’électrolyseur. Situé au sein de l’usine, le démonstrateur inclut :

Les stockages d’eau chaude et d’hydrogène permettent de pallier les variations dans la récupération de chaleur fatale et dans l’usage de l’hydrogène

Des usines à déploiement cadencé pour accompagner le marché

Une fois que la production d’hydrogène décarboné sera effective sur le site d’ArcelorMittal, Genvia va engranger une expérience précieuse. « En lien étroit avec ArcelorMittal, nous apprenons dans tous les domaines (infrastructures, ICPE, process, bruits, etc.) pour mieux connaître les conditions de réplicabilité de notre solution technologique. Sur cette base, nous sommes en train de développer une deuxième génération d’électrolyseurs et préparer un passage à l’échelle industrielle pour répondre aux besoins du marché » ajoute Patrice Tochon.

L’ambition de Genvia est de faire croître progressivement son carnet de commandes et de mettre en place simultanément un site de fabrication de ses électrolyseurs. Pas de gigafactory tout de suite qui risquerait de se retrouver en mal de débouchés, mais une approche prudente consistant à prévoir une usine automatisée par tranche d’environ 100 MW d’électrolyseurs par an.

Parmi les défis que la jeune société doit encore relever : gagner en maturité technologique et réduire le coût de sa solution pour la rendre concurrentielle aux technologies alcalines ou PEM. Le coût est dû à la plus grande complexité du système et à l’usage de matériaux plus chers pour le fonctionnement à 800°C. « Parmi les pistes d’amélioration, il y a l’automatisation et la robotisation pour baisser les coûts d’investissement, et l’augmentation de la durée de vie de nos cellules en céramique pour améliorer les coûts en exploitation » précise Patrice Tochon.

Sur le plus long terme, la participation des électrolyseurs à la flexibilité du système électrique est étudiée par Genvia. La possibilité de moduler la puissance de l’électrolyseur entre 30 et 100 % rend cette perspective envisageable, afin de soulager le réseau sur une durée de plusieurs minutes en cas de besoin. Des discussions sont déjà en cours pour envisager ce service… et sa rémunération.


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