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La crise peut-elle stopper la timide phase de réindustrialisation de la France ?

Posté le 2 février 2024
par Nicolas LOUIS
dans Entreprises et marchés

En 2023, la France a enregistré un nombre important de défaillances d'entreprises lié à la mauvaise conjoncture économique. Celle-ci pourrait porter préjudice aux premiers signaux de réindustrialisation observés dans le pays depuis quelques années. Le gouvernement table sur des dispositifs de soutien publics pour accompagner le développement de l'industrie et sa décarbonation.

Les chiffres sont tombés. En 2023, la France a enregistré 57 729 nouvelles procédures liées à des défaillances d’entreprises, selon le dernier baromètre du cabinet Altares. Sur un an, la hausse atteint près de 36 % et est certes moins forte que celle de 2022, qui avait été une année exceptionnelle (+49 %), mais reste toutefois la deuxième la plus rapide de l’histoire. Plus inquiétant, le rythme de nouvelles procédures ne semble pas faiblir, puisque 16 820 dossiers ont été ouverts au dernier trimestre, soit une hausse de plus de 37 %, ce qui correspond à l’un des pires chiffres des trente dernières années.

L’industrie semble un peu mieux résister, puisque les nouveaux dossiers de défaillance ont augmenté d’un peu plus de 29 % l’an dernier, grâce notamment aux activités de manufacture (+ 23,6 %). Ce secteur reste toutefois fragilisé par les activités du textile et de l’habillement, qui enregistrent une augmentation des nouvelles procédures de 41,5 %. Alors que la progression des défaillances dans le secteur agroalimentaire est identique à la moyenne des autres secteurs, on assiste à une grave crise dans les activités de transformation et de conservation de la viande de boucherie, avec un nombre d’entreprises en difficulté au plus haut depuis au moins dix ans et en hausse de 125 %. Dans la construction, les défaillances d’entreprises s’accélèrent et concentrent à elles seules 24 % des faillites.

Bien au-delà des effets de rattrapage post Covid observés en 2022, ces défauts d’entreprise sont directement corrélés à l’environnement économique particulièrement tendu auquel elles doivent faire face. Une situation, confirmée par l’analyse de Thierry Millon, directeur des études de la société Altares : « activité en berne, niveau d’inflation encore élevé, taux d’intérêt toujours hauts, consommation qui flanche, forment un dangereux cocktail pour des entreprises aux trésoreries épuisées après une succession de crises. Même les plus grands acteurs ne sont pas épargnés, transférant ainsi potentiellement le risque vers leurs fournisseurs et sous-traitants. 171 entreprises d’au moins 100 salariés ont défailli en 2023, c’est 80 % de plus qu’en 2022 et un nombre au plus haut depuis 2014 (185 défauts). »

Ces mauvais chiffres pourraient porter préjudice à la timide phase de réindustrialisation observée en France depuis quelques années. Alors que la part de l’industrie française dans le PIB atteignait 19 % au début des années 70, ce niveau n’a cessé de chuter pendant près de cinquante ans, pour s’établir à 9 % en 2022, selon les chiffres de Bpifrance. « Il faut cependant attendre 2022 pour observer une véritable évolution dans la relocalisation française et la réindustrialisation, amorcée en 2017 », analyse la banque publique. Une tendance confirmée par le cabinet Trendeo, qui a enregistré 300 créations nettes d’usines sur la période 2017-2022, alors que 600 disparitions nettes avaient été comptabilisées après la crise financière, entre 2008 et 2016.

France 2030 : encore une trentaine de milliards à dépenser

Il est malgré tout trop tôt pour affirmer que la conjoncture économique difficile que traverse la France va stopper la dynamique de réindustrialisation. D’autant que cette dynamique devrait continuer à être portée par le plan d’investissement France 2030, qui représente le principal instrument du développement de l’industrie du pays, doté d’une enveloppe de 54 milliards sur 5 ans. L’objectif est de financer dix secteurs innovants, et en 2 ans, environ 25 milliards ont déjà été dépensés. Une trentaine de milliards vont donc encore alimenter l’économie sur 3 ans, une enveloppe à laquelle il faut ajouter l’effet de levier, c’est-à-dire l’effet d’entraînement sur l’investissement privé, généralement estimé à 1,6 fois le montant public.

L’autre enjeu est aussi celui de la décarbonation de l’industrie. La moitié des fonds du plan France 2030 est destinée à la transition écologique et énergétique du pays. En octobre dernier, pour donner un coup d’accélérateur à la réindustrialisation, une loi « industrie verte » a été promulguée et vise, entre autres, à faciliter l’implantation en France d’industries vertueuses sur le plan environnemental et à faire de la France le leader de l’industrie verte en Europe. Tout juste nommé Premier ministre, Gabriel Attal a annoncé son intention de déposer un deuxième projet de loi « industrie verte » et dont l’un des axes serait de soutenir des projets d’envergure nationale.

Avec cette politique volontariste, le gouvernement espère porter la part de l’industrie dans l’économie à 15 % du PIB tricolore d’ici à 2027. Un objectif ambitieux, mais l’un des freins à la réindustrialisation pourrait ne pas être économique et se situer au niveau du manque de compétences nécessaires au développement industriel. « Dans les dix ans qui viennent, on va avoir besoin de recruter plus d’un million de personnes parce qu’on se réindustrialise et parce qu’il va falloir remplacer de nombreux départs à la retraite », a déclaré Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie. Entre 2017 et 2022, le nombre d’emplois industriels vacants a été multiplié par trois, passant d’environ 20 000 à 60 000.


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