L’automatisation n’est plus seulement un gage de productivité, elle devient le socle de la compétitivité, du maintien des savoir-faire et de la souveraineté technologique. Derrière ces chiffres se dessine une géographie contrastée, celle d’une Asie qui s’impose en locomotive de la robotique, d’une Europe qui peine à suivre le rythme, et d’un monde industriel qui redéfinit ses équilibres entre innovation, dépendance technologique et transition numérique.
Le rapport World Robotics 2025 publié par l’IFR met ainsi en lumière une explosion des installations de robots industriels au niveau mondial. En 2024, le nombre de nouvelles unités installées a atteint 542 000, un niveau jamais observé (ou presque), puisqu’il s’agit d’un doublement par rapport à dix ans auparavant. En parallèle, le stock mondial de robots industriels en fonctionnement a franchi 4 664 000 unités fin 2024, soit une croissance de + 9 % par rapport à 2023. Cette trajectoire confirme que l’usine du futur, dotée d’une automatisation avancée, n’est plus une projection lointaine, mais une réalité tangible.
Cette impulsion s’accompagne toutefois d’un très fort déséquilibre géographique. L’Asie a concentré 74 % des nouvelles installations en 2024, contre 16 % en Europe et 9 % dans les Amériques. La Chine s’impose comme le marché leader, ayant installé 295 000 robots en 2024, ce qui représente 54 % des déploiements mondiaux. Fait notable, pour la première fois les fabricants chinois ont écoulé plus de robots sur leur marché national que les fournisseurs étrangers, et leur part de marché domestique est montée à 57 %, contre environ 28 % il y a une décennie. Cette montée en puissance révèle un basculement de la chaîne technologique mondiale vers l’Asie.
Du côté de l’Europe, la dynamique est plus modérée, voire à certains égards inquiétante. Les installations sont en recul de 8 % en 2024, à 85 000 unités, tout en restant le deuxième plus haut niveau jamais enregistré sur le continent. L’Allemagne, marché européen le plus important, a enregistré 26 982 unités installées en 2024, soit une baisse de 5 % par rapport à 2023. La France n’est pas en reste avec 4 900 robots installés en 2024, soit une chute de 24 % par rapport à l’année précédente. Ce contexte plaide pour un réveil de la stratégie industrielle européenne et nationale autour de l’automatisation.
Aux États-Unis et dans les autres Amériques, la tendance est également en retrait. En 2024, les installations ont totalisé 50 100 unités, en baisse de 10 % par rapport à 2023. Aux États-Unis, 34 200 robots ont été installés, soit – 9 %. Ces chiffres suggèrent que malgré une croissance globale vigoureuse, certains grands marchés entrent dans une phase de maturité ou de ralentissement.
Pour autant, le futur reste porteur. L’IFR anticipe une croissance globale des installations de robots de + 6 % en 2025 pour atteindre 575 000 unités, et prévoit que le cap des 700 000 installations par an sera franchi d’ici 2028. Même si les tensions géopolitiques, les perturbations commerciales ou la conjoncture économique représentent des risques, l’automatisation industrielle demeure un vecteur structurant de l’industrie globale.
Sur le plan technique et industriel, ces chiffres traduisent plusieurs signaux importants. D’abord, la robotisation n’est plus essentiellement cantonnée aux secteurs traditionnels comme l’automobile ; elle se diffuse de plus en plus à d’autres filières manufacturières qui recherchent l’agilité, la précision et la production flexible. L’accélération du numérique, de l’IA et des capteurs connectés renforce cette dynamique. Ensuite, ce doublement en dix ans impose aux fournisseurs d’équipements, aux intégrateurs et aux fabricants de robots d’adapter leurs modèles. Ainsi, modularité, collaboration homme-machine, maintenance prédictive, flexibilité sont désormais des impératifs. Enfin, pour les politiques industrielles, ces données rappellent que la course à l’automatisation est aussi une course à la compétitivité, à l’attractivité et à la souveraineté technologique.
En France et en Europe, l’heure est à la remise en question. Face à des marchés asiatiques en plein essor, la chute des installations européennes démontre qu’il ne suffit plus de suivre, mais qu’il faut coconstruire des chaînes de valeur robotique fortes, investir dans les compétences, et adapter les régulations pour encourager l’intégration de robots dans les usines. L’écart géographique observé illustre en effet une fracture numérique, voire technologique, qui pourrait s’accentuer si aucune action n’était engagée.
Le rapport de l’IFR souligne pour conclure que la robotique industrielle est entrée dans une ère de croissance soutenue et globale. Le doublement des installations sur dix ans, un stock mondial qui approche 5 millions d’unités et une Chine hégémonique en la matière marquent en effet une mutation profonde de l’usine mondiale. Les acteurs français et européens doivent dès lors agir pour passer de suiveurs à acteurs pleinement engagés dans la transformation automatisée.
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