Depuis plusieurs mois, la filière logistique française multiplie les expérimentations autour des exosquelettes. La société Sonamia a ainsi introduit début 2025 quatre modèles développés par German Bionic pour assister ses opérateurs sur les tâches de manutention. Ces dispositifs, portés comme un harnais, fournissent un soutien mécanique pour réduire la fatigue musculaire et améliorer la sécurité au travail.
En parallèle, la start-up française Human Mechanical Technologies (HMT) poursuit le développement d’une gamme d’exosquelettes spécialisés : le modèle Wave pour le dos, Plum’ pour les bras, Japet W+ pour les lombaires ou Moon pour la nuque. Présentée lors du salon Préventica Bordeaux en octobre 2025, cette offre illustre la diversification des usages logistiques et la recherche d’une meilleure ergonomie dans les postes à forte pénibilité.
Une adoption encore freinée
Malgré ces avancées, le déploiement à grande échelle reste limité. Selon France Supply Chain, qui réunit les grands acteurs de la logistique nationale, il existe encore « un écart significatif entre innovation et usage réel ». L’organisation souligne que si l’intérêt pour ces dispositifs est croissant, leur intégration opérationnelle suppose un travail approfondi sur l’ergonomie, la formation et la conduite du changement.
L’investissement initial et la nécessité d’adapter les process logistiques aux contraintes techniques des exosquelettes constituent notamment encore des freins. Les retours d’expérience confirment que leur efficacité dépend fortement de la configuration du poste et de la durée d’utilisation. Un exosquelette mal ajusté ou mal formé peut se révéler contre-productif. C’est pourquoi plusieurs projets pilotes associent désormais les opérateurs dès la phase de conception, afin de garantir une meilleure acceptation et un usage durable.
Des bénéfices tangibles pour la santé et la productivité
L’intérêt de ces équipements réside avant tout dans leur contribution à la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS), particulièrement fréquents dans la logistique. Ces pathologies, liées à la répétition d’efforts physiques, représentent une part importante des arrêts maladie dans le secteur. En réduisant la charge physique, les exosquelettes permettent d’améliorer la posture, de diminuer la fatigue et, à terme, de limiter les risques d’accident.
Les premiers retours industriels confirment également des gains de confort et une meilleure efficacité dans les tâches répétitives. Les dispositifs modernes offrent une assistance ciblée, permettant soutien lombaire, relâchement des épaules ou maintien de la nuque. Ces innovations s’inscrivent dans une logique de logistique augmentée, où l’opérateur humain reste au cœur du processus, épaulé par des technologies d’assistance et non remplacé par la robotisation.
Vers une nouvelle génération d’exosquelettes intelligents
Les prochains développements technologiques devraient renforcer cette complémentarité. Plusieurs acteurs travaillent sur des exosquelettes connectés, intégrant des capteurs biomécaniques et des modules IoT pour analyser les mouvements, mesurer la fatigue et ajuster l’assistance en temps réel. Ces modèles dits « intelligents » pourraient être reliés aux systèmes de gestion d’entrepôt pour optimiser la performance collective, à l’image de la robotisation déjà présente dans certaines plateformes.
Le fabricant français HMT évoqué plus haut anticipe ainsi une généralisation de modèles plus légers et personnalisables, adaptés à des usages prolongés et compatibles avec les normes de sécurité en vigueur. De son côté, France Supply Chain plaide pour la création d’un cadre de normalisation clair, garantissant la fiabilité et la sécurité de ces dispositifs, notamment au travers de référentiels inspirés de la norme ergonomique française X35-800.
Une filière en phase de structuration
Selon les dernières estimations de Spherical Insights, le marché français des exosquelettes représentait environ 13,6 millions de dollars (environ 12,6 millions d’euros) en 2024 et pourrait atteindre près de 49 millions de dollars (45 millions d’euros) d’ici 2035, soit une croissance annuelle moyenne de plus de 12 %. Si ces chiffres restent modestes, ils traduisent une montée en puissance régulière et une structuration progressive de la filière.
La logistique figure parmi les secteurs les plus prometteurs, en raison de la combinaison entre exigences physiques, enjeux de santé et pression de performance. Dans un contexte de tension sur le recrutement et d’augmentation des volumes liés au e-commerce, ces solutions représentent un atout stratégique pour fidéliser les opérateurs et améliorer durablement les conditions de travail.
Plus qu’une simple évolution technologique, les exosquelettes incarnent une transformation du rapport au travail dans la supply chain. Ils symbolisent une approche où la performance industrielle ne s’oppose plus au bien-être des salariés. Loin des promesses d’une automatisation totale, cette innovation invite à repenser la complémentarité entre la machine et l’humain. Si leur diffusion reste progressive, leur potentiel d’amélioration ergonomique et sociale fait déjà des exosquelettes un levier clé de la logistique de demain.
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