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La digitalisation des compteurs d’eau transforme en profondeur la gestion hydrique française

Posté le 8 décembre 2025
par La rédaction
dans Énergie

Face au stress hydrique croissant et à des défis de consommation toujours plus complexes, la digitalisation des compteurs d’eau s’impose comme l’un des leviers majeurs pour moderniser la gestion de la ressource. Un exemple récent illustre la manière dont technologies connectées, analyse de données et innovations locales redéfinissent le pilotage des réseaux et les services aux usagers.

La France fait face à une pression accrue sur ses ressources en eau. Les épisodes de sécheresse se multiplient et s’intensifient, tandis que de nombreux territoires voient leur population fluctuer considérablement au fil des saisons, en particulier dans les zones touristiques. Cette tension met en lumière la nécessité de repenser les infrastructures hydrauliques et d’outiller les collectivités pour mieux suivre, anticiper et maîtriser les consommations. Dans ce contexte, la digitalisation des compteurs d’eau apparaît comme un vecteur essentiel de transformation. En permettant un suivi en temps réel des usages et une détection rapide des anomalies, ces technologies transforment un réseau historiquement opaque en un système intelligent où chaque litre compte.

La Communauté de Communes Albères – Côte Vermeille – Illibéris (CCACVI) se trouve au cœur de cette transition. Avec plus de 635 kilomètres de réseau et une population multipliée par quatre en été, elle fait face à une consommation d’eau qui atteint 4,4 millions de mètres cubes par an, dont une part importante provenant des campings. Face à cette pression, la collectivité a engagé un vaste programme de modernisation visant à rendre son réseau plus performant et moins vulnérable aux pertes, en s’appuyant sur les compteurs intelligents de son partenaire technologique Itron, fournisseur de solutions innovantes pour une gestion maîtrisée de l’énergie et de l’eau. Le déploiement progressif de ces compteurs, d’abord auprès des gros consommateurs puis auprès de l’ensemble des abonnés d’ici 2027, marque une étape décisive. Grâce à la télérelève, la consommation peut désormais être observée à distance et presque en temps réel, ouvrant la voie à une gestion bien plus réactive et précise. Pour exploiter l’important volume de données générées par les compteurs, mais aussi organiser les campagnes de détection de fuites, la CCACVI s’appuie sur Temetra®, solution de collecte et de gestion de données d’Itron.

Un réseau transformé par les données et la détection fine des fuites

Les bénéfices de ces compteurs ne se limitent pas à une simple lecture automatisée. Ils constituent la première brique d’un véritable réseau intelligent capable de générer, transmettre et exploiter une grande quantité d’informations. Ces données alimentent une plate-forme dédiée, qui permet d’identifier très tôt les variations inhabituelles de consommation. Lorsqu’un débit anormal est détecté, les opérateurs croisent les signaux avec des écoutes nocturnes ou des tests acoustiques, ce qui rend possible une intervention rapide et ciblée. La sectorisation du réseau renforce cette capacité en isolant les zones où se produisent les pertes, améliorant considérablement la rapidité de diagnostic et la maîtrise des volumes distribués.

L’origine locale du projet illustre par ailleurs la manière dont une innovation peut émerger de contextes inattendus. C’est en observant des travaux du CNRS sur le suivi de tortues marines équipées de balises LoRaWAN que la collectivité a perçu le potentiel de cette technologie pour son propre réseau hydraulique. L’infrastructure LoRaWAN, initialement déployée pour des recherches environnementales, est ainsi devenue un outil central pour connecter compteurs, capteurs de pression et déversoirs d’orage. Cet exemple montre comment la transition numérique des réseaux peut tirer parti d’un écosystème d’innovation territoriale.

Une montée en compétences et de nouveaux services pour les usagers

La modernisation du réseau ne repose pas uniquement sur les outils technologiques. Elle implique également une montée en compétences des équipes techniques, désormais formées à l’analyse hydraulique, à la maintenance des capteurs et à l’exploitation des données. Cette internalisation permet d’assurer une gestion plus réactive, plus autonome et mieux adaptée aux spécificités locales. Les premiers résultats témoignent déjà d’une réduction significative des pertes et d’une compréhension accrue des variations saisonnières, améliorant la planification et la distribution sur les zones les plus sollicitées.

La digitalisation ouvre également la voie à de nouveaux services destinés aux usagers. La mise en place d’une tarification saisonnière encourage une consommation plus raisonnée. Ainsi, des tarifs plus bas en hiver récompensent les périodes de moindre tension, tandis que des prix plus élevés en été incitent à limiter les usages non essentiels. Les abonnés peuvent désormais suivre leur propre consommation en temps réel et être alertés en cas de fuite dans leur installation privée, un dispositif particulièrement utile pour les résidences secondaires ou les longues absences. Ce suivi permet non seulement de mieux comprendre sa facture mais aussi d’éviter des dépenses inutiles et de réduire la pression sur la ressource.

Au-delà du comptage intelligent, la collectivité s’engage dans des solutions encore plus ambitieuses, notamment un projet de réutilisation des eaux usées traitées. Cette initiative, la plus vaste en France, prévoit de valoriser chaque année 1,3 million de mètres cubes d’eau issus de la station d’épuration, réinjectés dans l’irrigation agricole de 600 hectares. Cette démarche illustre la volonté de repenser globalement le cycle de l’eau en intégrant récupération, réutilisation et réduction des pertes.

La digitalisation des compteurs constitue ainsi bien plus qu’une innovation technique. Elle symbolise un changement de paradigme dans la gestion de l’eau, où la donnée devient un outil essentiel pour préserver la ressource, améliorer la performance des réseaux et offrir de nouveaux services aux habitants. Dans un contexte où le stress hydrique tend à devenir la norme, ces technologies intelligentes s’imposent comme un levier incontournable pour garantir la résilience et la durabilité des territoires.


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