La fourniture d’eau potable est une activité essentielle dont la société dépend et qui a un rôle de bien-être social. L’alimentation en eau potable des populations repose sur des infrastructures dont une part importante est constituée de réseaux de canalisations souterraines. La construction des réseaux d’eau potable, engagée depuis la fin du XIXe siècle, a connu son apogée en France dans les années 1970-1980 pour aboutir à la desserte universelle des habitants grâce à près de 900 000 km de canalisations enterrées. Désormais les pouvoirs publics et les gestionnaires de ces réseaux sont confrontés à la question de la gestion dans la durée de ces infrastructures qui constituent un patrimoine de valeur élevée et de longue durée de service. Sous les effets conjugués du vieillissement des systèmes, de l’évolution de la demande de service et des contraintes légales, environnementales, urbaines, sanitaires, budgétaires…, l’enjeu central de la gestion patrimoniale des réseaux d’eau potable est de garantir un niveau de performance satisfaisant (y compris la maîtrise des risques) par le renouvellement annuel d’une fraction du linéaire de canalisations et par l’optimisation du fonctionnement du système (via le cas échéant des investissements ciblés). Fondés sur une connaissance approfondie du patrimoine, des défaillances qu’il subit et de son environnement, des outils d’aide à la décision, qui s’appuient sur des modèles statistiques, sont développés pour définir des stratégies de gestion patrimoniale et optimiser les programmes de travaux.
Le présent article est structuré en quatre parties. La première, après avoir rappelé l’organisation et les spécificités des infrastructures du service d’alimentation en eau potable, dresse un bilan des réseaux aux échelles européenne et française. La seconde partie est consacrée à l’examen des déterminants qui guident le renouvellement des canalisations et montre en quoi l’impact des défaillances du réseau sur la performance du réseau est un élément central de décision qui n’est pas pris en compte correctement par les approches basées sur l’âge des conduites. La troisième partie inventorie les éléments du socle de connaissance technique du réseau, de son fonctionnement, de son environnement et de ses défaillances, qui est nécessaire pour conduire une stratégie optimisée de gestion patrimoniale des infrastructures. La quatrième et dernière partie présente la démarche et les éléments constitutifs d’outils techniques d’aide à la décision couplant prédiction des défaillances des conduites et analyse multicritère de la performance du service.