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Le CEA LETI réinvente le microscope

Posté le 13 septembre 2016
par La rédaction
dans Innovations sectorielles

Le premier microscope sans lentille imaginé par Dennis Gabor a été conçu au sein de l’institut. Une petite révolution pour l’industrie des bioprocédés.

Le premier microscope sans lentille est français. Il est commercialisé par une start-up, Iprasense, et il doit tout aux recherches de l’institut Carnot CEA LETI.

Intérêt de la technologie ? Elle est très intégrée, peu coûteuse et ouvre un champ radicalement nouveau à l’industrie des bioprocédés. Les microscopes optiques utilisés pour observer les cellules et bactéries ne permettent de voir qu’un nombre très restreint de spécimens. Quant à l’observation des virus elle impose de recourir aux très chers microscopes électroniques.

La technologie du LETI s’affranchit de ces limitations : « avec elle, on détecte – à faible coût – des virus de la taille de 100 nm. Quant aux bactéries et cellules, il est possible d’en observer plusieurs dizaines de milliers simultanément » indique Jean-Marc Dinten, responsable de l’activité imagerie et systèmes d’acquisition au CEA LETI.

Un microscope sans lentille se compose de trois éléments : une LED qui éclaire les cellules, un capteur CMOS et… du logiciel. La lumière de la diode laser, diffractée par les cellules, crée un hologramme. Ces informations acquises par le capteur sont alors traitées par des algorithmes donnant naissance à l’image souhaitée.

Cette technique a été imaginée en… 1948 par Dennis Gabor, le père de l’holographie, mais jamais mise en œuvre aussi simplement. Jusqu’au jour où un chercheur du laboratoire a pris conscience que, grâce à la vaste diffusion des téléphones mobiles dotés d’appareils photos, le marché allait rapidement offrir des capteurs d’une grande surface et d’une très grande résolution à un coût très faible.

De quoi réaliser enfin le microscope sans lentille de Gabor à un prix abordable. Cette idée, le Leti n’était pas le seul à l’avoir eue. Un autre pionnier travaillait sur le sujet, le groupe du Professeur Ozcan à l’Université de Californie Los Angeles. L’abondement Carnot a permis à l’institut d’accélérer la manœuvre, de lever certains verrous technologiques, notamment en donnant les moyens d’envoyer un post doctorant à Los Angeles pour travailler avec le laboratoire américain. « Les équipes du professeur Ozcan étaient plus avancées que nous en ce qui concerne les algorithmes de traitement ; mais, de notre côté, nous avions mis au point une technique originale, dite de film ultra mouillant, qui permettait de détecter des bactéries de taille micrométrique et des virus de la taille d’une centaine de nanomètres, ce que le laboratoire de Los Angeles ne maîtrisait pas » rappelle Jean-Marc Dinten.

En parallèle, l’institut Carnot CEA LETI a mené des recherches spécifiques qui lui permettent aujourd’hui de voir, caractériser et analyser plusieurs milliers de cellules de 2 à 100 microns à la fois et de filmer leur évolution. Il peut aussi détecter des objets d’une taille de la centaine de nanomètres. Cette technologie de rupture permet désormais l’analyse automatisée en temps réel de phénomènes tels que la croissance cellulaire, le comptage cellulaire, la morphologie, la migration. Plusieurs publications, dont une dans Nature Photonics, et une dizaine de brevets ont suivi ces travaux. Surtout, trois laboratoires communs ont été créés avec des industriels. Le premier avec Iprasense qui commercialise aujourd’hui un microscope destiné à suivre et à contrôler en temps réel des cultures cellulaires pour la bioproduction. Les deux autres exploitent la capacité d’observer simultanément un grand nombre de cellules pour développer de nouveaux systèmes de diagnostic rapide et délocalisé.

L’histoire ne s’arrête pas là : « Aujourd’hui, nous poursuivons activement la recherche pour conserver notre avance »dit Jean-Marc Dinten. Premier objectif, ne plus se contenter de détecter des cellules submicroniques, mais être également capable de les caractériser. Seconde recherche, mettre au point des techniques de visualisation en trois dimensions, ce qui intéresse beaucoup l’industrie pharmaceutique.

Ce texte est extrait du livre « Nous construisons votre futur, 34 exemples de ressourcement scientifique », Association des instituts Carnot, édition 2015

Ce livre peut être consulté à l’adresse suivante : www.instituts-carnot.eu/livres/recherche-pour-entreprise-carnot-prepare-avenir


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