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Le renforcement post-Fukushima de la sûreté des sites nucléaires français encore en cours

Posté le 8 mars 2021
par Nicolas LOUIS
dans Énergie

La France poursuit son plan d'action visant à élever le niveau de sûreté de ses installations nucléaires en cas d'agressions extérieures. Des dispositifs spécifiques de sûreté sont ajoutés sur les réacteurs dont la durée de fonctionnement dépasse 40 ans.

Dix ans après la catastrophe de Fukushima, la France poursuit son plan d’action afin de renforcer la sûreté de ses sites nucléaires en cas d’agression extérieure : séisme, tempête, canicule… Dès l’accident, des mesures à court terme ont été mises en place par EDF pour améliorer la capacité des réacteurs à faire face à une perte d’alimentation électrique ou de la source d’eau froide. Parmi celles-ci : l’augmentation de l’autonomie des batteries ou la mise en place d’un groupe électrogène supplémentaire permettant d’assurer des fonctions essentielles comme la mesure du niveau d’eau des piscines. En parallèle, une Force d’action rapide du nucléaire (FARN) est créée par EDF regroupant une équipe de 300 personnes capables d’intervenir en moins de 24 heures sur un site avec des moyens électriques et des pompes d’alimentation en eaux supplémentaires. « Cette première phase dite réactive s’est achevée à la fin de l’année 2015, date à partir de laquelle la FARN peut faire face à une situation extrême, où tous les réacteurs d’un site sont endommagés, explique Olivier Dubois, directeur adjoint de l’expertise de sûreté à l’IRSN. Le site de Gravelines est celui qui en comporte le plus, avec six réacteurs. »

Le plan d’action se poursuit actuellement avec la phase de mesures pérennes. Objectif : éviter la fusion du cœur du réacteur ou en limiter ses conséquences sur l’environnement si elle se produit. Pour cela, des dispositifs de sûreté ultime constituant le « noyau dur » sont installés afin d’assurer les fonctions de sûreté vitales lors d’une agression hors norme. Trois dispositifs sont principalement déployés. Le premier consiste à installer des diesels de secours, placés dans de grands bâtiments, dont la fonction est de réalimenter en électricité l’ensemble des systèmes du noyau dur avec une autonomie de 72 heures. « Les 56 réacteurs du parc français sont, à ce jour, équipés ; la dernière installation s’étant déroulée à Paluel en janvier 2021 », ajoute Olivier Dubois.

Seulement 7 réacteurs équipés sur un total de 58

Deuxième dispositif : l’installation de sources d’eau ultimes pour refroidir les réacteurs grâce au pompage dans des nappes phréatiques ou des bassins. Là encore, la mesure s’applique à chaque réacteur. L’ASN a demandé à EDF de les installer toutes d’ici à la fin de cette année. 58 réacteurs sont concernés, car il faut ajouter les deux de Fessenheim. En effet, bien qu’arrêtées, les piscines d’entreposage de combustible de ce site ne sont pas vides et les sources d’eau ultimes ont également pour fonction de les approvisionner en cas de problème. « À ce jour, seulement sept ont été mises en place, précise Olivier Dubois. EDF s’est engagée à le faire pour l’ensemble du parc nucléaire dans les délais, mais sera probablement obligée d’utiliser des sources provisoires sur certains réacteurs comme l’utilisation de réservoirs déjà existants ou l’installation de bâches souples. Cette source doit être capable de fournir un débit d’au moins 30 m³/h environ pendant 72 heures, le temps que la FARN prenne le relais. »

Enfin, la dernière mesure pérenne concerne la construction de centres locaux de crises résistant à des agressions extrêmes, en remplacement des locaux actuels. Leur rôle est d’accueillir le matériel et une centaine de personnes mobilisées en cas d’accident et où les équipes disposent notamment des informations sur l’état du réacteur. Chaque site doit disposer d’un centre local de crise, soit un total de 18. Actuellement, seul Flamanville est équipé. Pour les autres sites, la mise en service est prévue entre 2022 et 2026.

Le plan d’action post-Fukushima ne s’arrête pas là puisqu’une troisième phase s’intéresse spécifiquement aux réacteurs dont la durée de fonctionnement est prolongée au-delà de 40 ans. L’ASN a en effet demandé d’améliorer leur sûreté afin qu’elle se rapproche des objectifs de sûreté des réacteurs de nouvelle génération, comme l’EPR de Flamanville 3. Là encore, il s’agit d’éviter un accident grave en cas d’agression extérieure ou de limiter les conséquences de la fusion du cœur sur l’environnement, comme l’EPR le prévoit. Une des modifications emblématiques consiste à installer un nouveau circuit de refroidissement et d’évacuation ultime de la puissance de l’enceinte. Il comporte, entre autres, une pompe d’injection d’eau dans le circuit primaire du réacteur ainsi qu’un échangeur pour extraire la chaleur. C’est un moyen supplémentaire d’éviter la fusion du cœur. Et si elle se produit néanmoins, ce circuit a aussi pour rôle de refroidir le corium produit dans le puits sous la cuve du réacteur et de permettre d’éviter que l’enceinte ne monte en pression. « Dans une telle situation, on est normalement obligé d’ouvrir la ligne d’éventage de l’enceinte, ce qui conduirait à des rejets radioactifs, même s’ils sont filtrés, analyse Olivier Dubois. Ce nouveau circuit d’évacuation ultime permet de gérer cette situation sans avoir à ouvrir l’enceinte. »

Les modifications pourraient s’étaler jusqu’en 2035

Ces modifications sont progressivement mises en place à l’occasion des quatrièmes visites décennales. Les réacteurs n°1 de Tricastin et n°2 du Bugey ont déjà été modifiés tandis que le n°4 du Bugey est actuellement en cours de révision. « À moins que pour des raisons de politique énergétique, il soit décidé que certains réacteurs ne dépassent pas l’âge de 40 ans, la modification des 29 autres réacteurs de 900 MW va se poursuivre jusqu’en 2025, déclare Olivier Dubois. Ensuite, viendra le tour des réacteurs de 1 300 MW à partir de 2026 puis celui de 1 450 MW. Les dernières modifications devraient intervenir en 2035. »

Au-delà de toutes ces mesures techniques qui s’étalent sur une très longue période, l’organisation des moyens humains déployés en cas d’accident a aussi fait l’objet de renforcements depuis la catastrophe de Fukushima. « Il faut rester modeste vis-à-vis des agressions qui peuvent se produire et les effets des cumuls d’agressions sont souvent difficiles à anticiper, confie Olivier Dubois. La gestion des conséquences d’un accident va beaucoup dépendre de la capacité d’adaptation et de résilience des équipes de crise. Suite au retour d’expérience de Fukushima, l’IRSN a donc fait plusieurs recommandations sur l’organisation de la FARN et des plans d’urgence interne. »


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