En ce moment

Le stockage d’électricité plus que jamais nécessaire

Posté le 18 juillet 2025
par Stéphane SIGNORET
dans Énergie

L’installation de moyens de production d’électricité à base de ressources renouvelables variables commence à augmenter les besoins de flexibilité. Le stockage par batterie a déjà pris une place conséquente pour y répondre et devrait encore s’accroître.

Le démarrage progressif d’installations éoliennes et solaires au début du XXIe siècle a assez vite posé la question de la variabilité de leur production d’électricité. Mais en réalité, les volumes de production renouvelable étant faibles au début, l’enjeu de créer des moyens de flexibilité en stockant les électrons n’est réellement apparu que récemment.

Les acteurs des technologies de stockage d’électricité ont commencé à s’organiser vers  2010, par exemple avec la création d’un club dédié à l’ATEE. Depuis, les rapports se sont multipliés et une récente analyse de l’Observatoire des transitions énergétiques, pilotée par le cabinet d’avocats d’affaires De Gaulle Fleurance, vient ajouter sa pierre à l’édifice.

La vision de ce rapport est principalement tournée vers l’état des marchés du stockage d’électricité par batteries stationnaires de grande taille, dites BESS (pour Battery Energy Storage System) dans quatre pays en Europe : France, Belgique, Royaume-Uni et Pologne. Une approche utile tant ces solutions techniques sont connues et leur développement surtout dépendant des conditions réglementaires, fiscales et économiques.

Des parcs de batteries en croissance

Ce rapport, dans lequel interviennent deux spécialistes français de Clean Horizon et d’Harmony Energy, rappelle d’abord les capacités installées dans chaque pays. La France dispose historiquement de sites hydroélectriques de turbinage-pompage, à hauteur de 5 GW, qui devraient voir apparaître 1,5 GW de capacités supplémentaires d’ici 2035. Les systèmes de stockage d’énergie par batterie sont à hauteur d’un peu plus d’un gigawatt fin 2024 alors qu’il y en avait moins de 50 MW cinq ans auparavant. La dynamique haussière est très forte : selon une étude de RTE de février dernier, plus de 7 GW de BESS seraient dans les tuyaux. S’ils sortent tous de terre, les batteries deviendront à terme le premier moyen de stockage d’électricité en France.

Le Royaume-Uni nous distance largement avec déjà 4,7 GW de BESS installés, tandis que la Pologne, qui disposait de peu de batteries ces dernières années (165 MW en 2022), a connu aussi un grand bond en avant, avec un parc de 2,5 GW en 2024. La Belgique, avec un démarrage seulement en 2021, ne dispose que de 200 MW mais plus de 3 GW pourraient être raccordés d’ici fin 2034.

L’Observatoire n’aborde pas l’Allemagne, mais elle dispose de centaines de milliers de batteries résidentielles que les particuliers ont installées avec leurs panneaux photovoltaïques, pour un total de 13 GWh d’électricité stockable (source : r2Advisor). Soit environ dix fois plus que l’énergie stockée dans les BESS de grandes tailles, dont PwC estime la capacité à 1,2 GW en 2024. Mais le rapport pourrait s’inverser puisque 15 GW de BESS de plus de 5 MW unitaire seraient programmés pour 2030 outre-Rhin.

Modèles économiques à pérenniser

Les services apportés par les batteries électrochimiques sont au cœur de ce développement en forte hausse dans de nombreux pays. Encore faut-il qu’ils soient rémunérés pour inciter les acteurs à investir dans cette technologie ! Trois principaux mécanismes existent pour assurer l’économie des projets.

Le premier est la rémunération des services systèmes exigés par le réseau électrique, principalement pour assurer la stabilité de fréquence. Pour des durées assez courtes, d’une à deux heures, les batteries épaulent ainsi les services dits FCR et aFRR (réserves primaire et secondaire). En France et au Royaume-Uni, ce mécanisme assure 80 à 90 % de la valorisation économique des batteries. En Pologne ce serait plutôt de l’ordre de 60 %.

La capacité des BESS à stabiliser le réseau électrique est ainsi essentielle. Par exemple, en octobre 2024, les échanges d’électricité de la Norvège vers le Royaume-Uni ont chuté brutalement de 1,4 GW à zéro : grâce à la mobilisation rapide de 1,5 GW de batteries, le réseau a pu être sécurisé en stabilisant la fréquence en moins de deux minutes.

Le second est le mécanisme de capacité, qui est une sorte d’assurance prise par le gestionnaire de réseau face à des aléas : les opérateurs s’engagent à pouvoir mobiliser leurs moyens de production ou de stockage, en échange d’un revenu annuel par mégawatt. Ce mécanisme est pluriannuel au Royaume-Uni, en Italie, en Pologne en Belgique et en Irlande, mais il est annuel en France, ce qui offre peu de visibilité aux opérateurs. Néanmoins, une nouvelle version est prévue pour 2026, qui devrait offrir des revenus sur le long terme. Selon l’horizon de temps considéré, les enchères des mécanismes de capacité voient des prix très variables : au Royaume-Uni par exemple, l’enchère pour 2025 / 2026 s’est établie à 20 £/kW.an tandis que celle pour 2028 / 2029 a atteint le triple de cette valeur.

Les deux premiers débouchés économiques évoqués commencent néanmoins à voir leurs revenus baisser, notamment du fait d’une saturation des marchés FCR et aFRR (en France par exemple, 3 GW suffisent pour y répondre). D’où une troisième option qui est l’arbitrage pour une vente sur les marchés de gros de l’électricité. Il s’agit de répondre à la demande d’approvisionnement au niveau journalier, ce qui est rendu possible par des capacités de décharge plus longues, de 2 à 8 heures. Ainsi, il est possible de maximiser les revenus des batteries en fonction des fluctuations de prix sur les marchés.

Enfin, une dernière piste, encore peu utilisée, sera d’amplifier les projets de batteries directement intégrés soit à la production d’électricité solaire ou éolienne (pour éviter les phénomènes de congestion sur le réseau), soit à une infrastructure de consommation (électromobilité, actifs commerciaux ou industriels).

Dans tous les cas, le stockage par batteries, incontournable partenaire des énergies renouvelables électriques, devra relever le défi sa pertinence économique et de la minimisation de son impact sur l’extraction des matières premières nécessaires à leur fabrication.


Pour aller plus loin