Décryptage

Les biocarburants font-ils monter les prix des matières premières ?

Posté le 11 mars 2014
par La rédaction
dans Environnement

[Tribune]
Il est de bon ton, dans une Europe effrayée et largement convertie aux thèses de la décroissance, de taper à grands coups sur les biocarburants générateurs d’émissions de CO2 ou affameurs des plus pauvres.

Le rapport du CCR rattaché à la Commission Européenne sur les effets néfastes du biodiesel, illustre la pauvreté de la réflexion économique de certaines instances qui nous dirigent. Pour être le plus objectif possible dans ce débat, il me semble important de rappeler que le rôle premier des biocarburants est de se substituer pour une part croissante aux produits pétroliers dans les transports routiers, demain dans le transport aérien grâce aux procédés Amyris, Neste Oil  ou Deinove qui peuvent conduire à des ersatz rémunérateurs du kérosène.

Leur utilisation qui représente à ce jour en volume trois pourcents des produits raffinés du pétrole, l’équivalent d’une production d’un pays producteur de pétrole respecté dont les productions auraient la taille d’un tiers de celles de l’Arabie Saoudite ou de la Russie, agit certainement à la baisse ou à la stabilisation des cours de ces produits pétroliers, de plus en plus onéreux.

Dans le cas de l’éthanol, l’industrie agricole des distilleries brésiliennes ou américaines, assure aux paysans locaux des débouchés réguliers pour leurs récoltes ce qui améliore leurs revenus et valorise leurs terres. En un mot, c’est une activité qui crée de la richesse dans le monde paysan et modère les prix mondiaux des carburants, là est l’essentiel.

Une demande importante nouvelle d’une matière première destinée à une nouvelle application peut se traduire par un accroissement des prix mais elle peut aussi et surtout développer une offre nouvelle qui conduira à terme à des prix encore plus bas. Le pétrole lampant se vendait au XIXème siècle en bidons de 4 ou 5 litres pour alimenter les lampes à pétrole, depuis son domaine d’application s’est largement amplifié.

Pour illustrer mon propos je vous propose d’examiner les cours du boisseau de  maïs à Chicago au cours de ces dernières années. Matière première historique d’élaboration du bourbon et maintenant produit de base d’élaboration aux Etats-Unis de l’alcool dénaturé qui est additionné à hauteur de 10 à 15% en volume à l’essence (E10 ou E15). L’unité de volume qu’est le boisseau n’est pas une unité très répandue dans le public.

Sachez que dans des conditions de siccité standardisées des grains de maïs, il correspond pour cette ressource agricole à un peu plus de 25 kg. Multipliez le prix du boisseau de maïs par quatre et vous aurez une bonne estimation du prix du kg de maïs, exprimée en US cents.

Figure 1 :

Figure 2 :

A quatre dollars le boisseau (16 US cents le kg) en Août 2010 les cours du maïs après des rumeurs de mauvaises récoltes et des accroissements de surfaces cultivées aux Etats-Unis se sont parfois emballés puis sont revenus vers ces niveaux initiaux en cette fin d’hiver 2013-2014, quoique dernièrement stimulés, semble-t-il, par les péripéties ukrainiennes.

Les données de la FAO, établies sur plus de cinq décennies, montrent (FIG.2) le changement de pente des récoltes mondiales de maïs (courbe rouge, échelle de gauche) à partir de 2004 résultant à la fois des accroissements de surfaces récoltées et de l’augmentation continue des rendements, les masses récoltées croissant plus vite que les surfaces. Nul doute que ce changement de pente est imputable aux demandes  croissantes conjuguées de l’alimentation humaine et animale ainsi qu’à la production de biocarburants.

C’est l’offre mondiale de maïs,  multipliée par 4,5 en 50 ans, s’appuyant sur les progrès dans les connaissances agricoles et la sélection des semences, qui s’est adaptée à la demande.

Les héritiers spirituels des théories du Club de Rome, mésestimant les progrès des sciences agronomiques et l’intelligence du monde paysan, sont encore en décalage avec ces faits objectifs pourtant aisément accessibles.

Bien sûr, en raison des immenses progrès restant à accomplir dans les pays en développement d’Afrique ou d’Amérique Latine, ces progrès dans les récoltes mondiales de maïs vont se poursuivre pour accompagner la croissance mondiale du niveau de vie des populations et la demande d’ersatz de produits pétroliers.

Par Raymond Bonnaterre 


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