En matière de souveraineté, l’Europe n’a pas dit son dernier mot et multiple les initiatives. En juillet 2025, la Commission européenne a présenté la Stratégie Quantique visant à faire de l’Europe un leader mondial du quantum d’ici 2030. D’ici 2040, le secteur devrait créer des milliers d’emplois hautement qualifiés à travers l’UE et dépasser une valeur mondiale de 155 milliards d’euros.
Pour atteindre cet objectif ambitieux, l’Europe favorise différents projets parmi lesquels le QCDC (« Quantum Computers for Datacenters » ou « Ordinateurs quantiques pour centres de données »).
Grâce au QCDC, l’Europe dispose désormais d’un service de calcul quantique basé sur des ordinateurs à ions piégés développés par Alpine Quantum Technologies (AQT). Il s’agit d’une entreprise autrichienne pionnière dans l’informatique quantique, spécialisée dans les ordinateurs quantiques à ions piégés.
Fondée en 2018 à Innsbruck, elle vise à commercialiser des processeurs quantiques généralistes accessibles via le cloud et intégrables dans des centres de données.
QCDC est donc un service cloud qui permet aux chercheurs et aux industriels d’accéder directement à des machines européennes pour réaliser des calculs avancés.
Cette infrastructure ouvre la voie à des applications majeures : découverte de médicaments, conception de matériaux durables, optimisation des procédés industriels ou encore stockage d’énergie. Elle garantit également la protection des données sensibles, un enjeu crucial dans un contexte de compétition internationale.
Contrairement aux ordinateurs classiques, qui traitent les informations de manière séquentielle, les ordinateurs quantiques exploitent les principes de superposition et d’intrication. Ils peuvent ainsi évaluer simultanément plusieurs solutions à un problème.
L’analogie du labyrinthe illustre cette différence : un ordinateur traditionnel explore chaque chemin un à un, tandis qu’un ordinateur quantique compare tous les itinéraires en parallèle pour identifier la meilleure solution. Cette capacité ouvre des perspectives inédites pour simuler des molécules, des matériaux ou des systèmes complexes avec une rapidité et une précision inégalée.
À terme, une seule machine quantique pleinement opérationnelle pourrait surpasser la puissance de calcul d’immenses centres de données classiques, occupant plusieurs terrains de football.
Premières applications concrètes
Bien que les dispositifs actuels ne dépassent pas encore les superordinateurs, les premières expérimentations menées dans le cadre du QCDC sont prometteuses. De petites équipes de recherche ont déjà pu réaliser des calculs avancés en biochimie et en dynamique des fluides, simuler des matériaux aux propriétés inédites ou même optimiser des procédés industriels pour réduire les déchets et améliorer l’efficacité.
Les machines utilisées reposent sur la technologie des pièges à ions développée par AQT à Innsbruck. Elles permettent d’explorer des algorithmes quantiques comme le VQE (Variational Quantum Eigensolver), utilisé pour déterminer l’état le plus stable d’une molécule.
Même si ces ordinateurs en sont encore à leurs débuts, les résultats obtenus se sont révélés d’une précision remarquable, proches des calculs classiques. Cela confirme que l’informatique quantique peut devenir un outil pratique pour résoudre des problèmes auparavant inaccessibles.
Le QCDC illustre l’importance de la collaboration européenne dans un domaine aussi stratégique. Selon Juris Ulmanis, directeur des technologies quantiques chez AQT et chef du projet, cette initiative marque une avancée majeure : elle offre aux chercheurs un accès direct à une technologie de classe mondiale et leur permet de relever des défis complexes dans des secteurs variés.
Le projet QCDC représente bien plus qu’une expérimentation scientifique : il est le symbole d’une stratégie européenne visant à combiner innovation, indépendance et compétitivité. En dotant ses chercheurs d’outils quantiques accessibles via le cloud, l’Europe se prépare à franchir une étape décisive dans la course mondiale au calcul quantique.
Si les machines actuelles ne surpassent pas encore les superordinateurs, leur potentiel est immense. Les premières applications dans la santé, l’énergie et l’industrie montrent que l’impact du QCDC ne fait que commencer. À l’horizon 2030, l’Europe espère ainsi transformer l’informatique quantique en un levier majeur de progrès scientifique et économique, consolidant sa place parmi les leaders mondiaux de cette révolution technologique.
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Dans les ressources documentaires
- Introduction à l’informatique quantique
- Thermodynamique quantique intrinsèque - Application aux systèmes réactifs et non réactifs
- Cryptographie quantique en sécurisation des réseaux. Situation et perspectives
- Simulation du transport quantique
- Architecture des ordinateurs : CPU et coprocesseurs/accélérateurs